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ment nous tirer d’affaire du côté de Casablanca, et nous sommes aux prises avec des incidens de frontière dont nous ne voulons nullement exagérer l’importance, mais qui, en somme, n’augmentent pas notre prestige dans le monde arabe. Pour faire face aux difficultés que nous rencontrons dans la Chaouia, nous avons diminué imprudemment nos forces sur d’autres points africains. L’affaire de Menabha est un avertissement : saurons-nous en profiter ?

Menabha est dans le Sud Oranais. Nous avions là un petit corps de troupes d’un millier d’hommes, en face de populations que les derniers événemens ont fort agitées. On a dit que Moulaï Hafid avait contribué à cette agitation au moyen d’émissaires envoyés par lui pour prêcher contre nous la guerre sainte. Il est probable qu’on enfle beaucoup l’influence de Moulaï Hafid, et qu’on lui attribue des faits qui n’ont pas besoin de son intervention pour se produire : à la vérité, ceux qui découvrent et dénoncent le danger de ses intrigues dans le Sud Oranais le déclarent réduit à la dernière extrémité dans la région de Merakech : il est impuissant là où il est, tout-puissant là où il n’est pas. Au surplus, qu’il soit ou non pour quelque chose dans les derniers événemens, cela importe peu. Ce qui est sûr, c’est que l’opinion, assurément très fausse, qu’ils ont de notre faiblesse a augmenté la hardiesse de nos ennemis, nous en a suscité de nouveaux, et a jeté du trouble et de l’hésitation dans l’esprit des ; populations qui nous étaient, ou qui semblaient nous être dévouées. Nos soldats ont été attaqués à Menabha pendant la nuit avec une audace extrême, et il semble bien qu’au premier abord ils se soient laissé surprendre, ce dont nous ne leur faisons pas un grief, d’abord parce qu’il est bien difficile de se garder, au milieu de l’obscurité, contre des ennemis qui arrivent en rampant, nus, confondus avec le sol, et armés de couteaux et de piques ; ensuite parce que, l’éveil une fois donné, nos hommes se sont défendus avec un courage héroïque, une admirable présence d’esprit, une ténacité merveilleuse. Ils ont dû le lendemain changer l’emplacement de leur camp, parce qu’il était obstrué par les cadavres ennemis. Nous avons fait quelques pertes sensibles à Menabha ; mais l’affaire est toute à l’honneur de nos troupes qui ont conservé toutes leurs qualités d’autrefois. Quant à l’ennemi, qu’est-il devenu ? Nous avons vu qu’il a perdu beaucoup de monde ; mais, pour nous attaquer comme il l’a fait, il devait disposer de forces nombreuses, qui ne se sont débandées que pour aller sans doute se reformer un peu plus loin. Des dépêches disent qu’on a signalé sur plusieurs points des débris de la