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autres institutions de l’époque, et, de plus, il y régnait une lourde oppression. Tout est libre, au contraire, dans l’Union nouvelle que les patrons de la maçonnerie cherchent à organiser. L’ouvrier y entre et en sort comme il veut : le patron seul y est lié pour la durée de la société, qui est de trois ans, mais toujours renouvelable. L’Union de la maçonnerie, si elle parvient à se constituer, aura la plupart des avantages des anciennes corporations, sans en avoir les inconvéniens. Nous désirons vivement que la tentative réussisse : en tout cas, elle vaut la peine d’être mise à l’essai.

Enfin ouvriers et patrons prendront les uns envers les autres l’engagement de ne décider ni lock-out, ni grève, sans recours préalable à la conciliation et à l’arbitrage. Encore une innovation d’une grande importance. Nous ne sommes pas partisans, on le sait, de l’arbitrage obligatoire. L’idée d’arbitrage et l’idée d’obligation sont contradictoires et exclusives l’une de l’autre. C’est pourquoi la loi ne peut pas imposer l’arbitrage ; mais ce que la loi ne peut pas faire d’autorité, les deux parties peuvent le décider en toute liberté. On comprend très bien que patrons et ouvriers, dans un contrat librement débattu et consenti, décident que leurs différends seront soumis à des arbitres, et qu’ils promettent de s’incliner d’avance devant la sentence que ceux-ci rendront. Les statuts de l’Union ne vont pourtant pas aussi loin. Ils ne disent pas que sociétaires et associés s’inclineront devant la sentence arbitrale, mais seulement qu’ils la provoqueront et qu’ils l’attendront avant de recourir au lock-out ou à la grève. En réalité, il ne s’agit là que d’une tentative de conciliation, mais d’une tentative faite dans des formes et avec des délais qui permettront aux deux parties de se reconnaître et de réfléchir avant de se déclarer la guerre. Et c’est encore là une expérience qui mérite d’être faite. Encore une fois, on ne saurait trop approuver la tentative des entrepreneurs de la maçonnerie. Nous ne la donnons pas comme parfaite et définitive dans tous les détails. En pareille matière, on ne parvient pas à la perfection du premier coup. Il n’y a peut-être là qu’une première ébauche qui devra être reprise, remaniée, précisée ; mais il y a aussi une preuve incontestable d’intelligence et de bonne volonté. Les meneurs des syndicats ouvriers ont voulu y voir, au contraire, et y ont dénoncé un acte de perfidie raffinée. Ils y ont répondu par des déclamations et par des affiches révolutionnaires. Ils ont mis en garde les ouvriers contre la séduction qu’elle pourrait exercer sur eux. Malgré cela, on l’a vu, les deux tiers ont repris le travail.

Ils ont dû, auparavant, signer un règlement de chantier qui com-