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création des tribunaux d’enfans, qui, d’ailleurs, ont reçu en France un commencement d’exécution.

Après avoir marqué les différences, voici les traits communs aux législations française et étrangères. L’enfant de douze à dix-huit ans, enclin au vice, n’est plus assimilé à un adulte ; il est traité comme un être non encore formé, ou plutôt déformé par la faute des éducateurs et souvent victime de tares héréditaires. Il y a dès lors, une tendance générale à le confier aux établissemens d’assistance publique ou privée, pour le préserver ou le redresser, et c’est seulement en cas d’extrême indocilité ou de dépravation irrémédiable qu’on le remet à l’Administration pénitentiaire. Le système d’amélioration qui a partout donné les meilleurs résultats, c’est le placement à la campagne, dans des familles de paysans. Une expérience de plus d’un demi-siècle n’a fait que confirmer la vue profonde de M. Demetz : « améliorer la terre par l’homme et l’homme par la terre, » et cela est aussi vrai pour les jeunes filles que pour les garçons.

Lors d’une des inondations maritimes qui ravagèrent la Hollande au moyen âge, on raconte que seules quelques barques de pêcheurs et quelques berceaux d’osier renfermant des nourrissons échappèrent à la catastrophe, qui en une nuit engloutit soixante-douze villages avec leurs habitans. Deux ou trois enfans, nouveaux Moïses, survécurent, et, en mémoire de la digue où le flot porta leur nacelle, le lieu garde encore le nom de Kinderdyk, c’est-à-dire la « digue des enfans. » Dans le flot fangeux de vices et de crimes, qui inonde nos grandes villes et menace de submerger la population honnête, les asiles protecteurs de l’enfance jouent le rôle de ces berceaux et de ces digues. Multiplions-les, afin de préparer à la France de l’avenir des générations de bons citoyens.


GASTON BONET-MAURY.