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Dix ans après, deux femmes de cœur, deux mères émues de miséricorde pour de nombreux enfans, qu’on rencontrait mendiant au coin des rues et qui, souvent, n’osaient pas rentrer chez eux de peur d’être battus par les parens, quand ils ne rapportaient pas une somme suffisante, fondèrent l’Union française pour le Sauvetage de l’enfance. Jules Simon se fit l’avocat éloquent de ces « orphelins dont les parens sont encore vivans, » et secondé par des administrateurs éminens, MM. Henri Monod et Loys Brueyre, la société, au bout de peu d’années, prit son essor et fut reconnue d’utilité publique en 1891. Elle a pour objet de rechercher, de signaler au Parquet, ou de recueillir les enfans mineurs de treize ans, qui sont maltraités et en danger moral, sans distinction de sexe ni de culte. Après avoir tenu quelque temps les enfans en observation dans un asile temporaire et les avoir guéris, s’ils sont malades, elle les place à la campagne. Sous l’intelligente direction de M. C. Gayte, la société a déjà sauvé de l’enfer de Paris des centaines de jeunes garçons et de jeunes filles, dont elle a fait de bons laboureurs, d’habiles artisans ou des ouvrières honnêtes. Elle accorde une dot importante aux pupilles à l’époque de leur mariage.

Le Patronage des jeunes garçons protestans fut fondé en 1896, en connexité avec la Société de patronage des libérés, fondée par feu le pasteur Robin, un véritable apôtre de la protection de l’enfance. M. Etienne Matter, qui en est la cheville ouvrière, après avoir gardé les enfans en observation pendant quelques semaines, les place chez des paysans de l’Ardèche et de la Lozère ; il a par cette méthode préventive, obtenu des résultats extraordinaires, La Société, qui avait débuté avec cinq ou six enfans, en a recueilli et exporté la dixième année, trois cent vingt-deux.

L’année 1890 a vu naître deux sociétés de caractère assez différent, mais tendant au même but : substituer une saine pédagogie à la répression impitoyable, et qui perdrait l’enfant irréparablement. Le regretté juge Ad. Guillot est l’initiateur de ce nouveau système de préservation.

Le Comité de défense des enfans traduits en justice a été fondé au Palais de Justice, par quelques avocats émus de pitié en présence d’enfans de douze à quinze ans, jugés comme des adultes et envoyés parfois à la Petite Roquette, où, en mauvaise compagnie, ils devenaient tout à fait pervers. Elle se propose d’améliorer les lois et la procédure applicables aux mineurs de seize ans ;