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pour celles de quatorze à vingt et un ans, en ayant soin de les isoler complètement, afin d’éviter des contacts pernicieux.

De son côté, la Mère Marie-Ernestine établissait à Darnetal, près Rouen (1848), son atelier-refuge, pour des jeunes filles catholiques de caractère indiscipliné ou d’instincts dépravés. L’originalité de cette maison, qu’elle dirige depuis près de soixante ans avec un zèle éclairé, c’est que, sachant combien les travaux de couture sont peu rémunérateurs, elle a eu l’idée d’enseigner à ses pupilles le jardinage et même l’agriculture. Et ces travaux de plein air ont produit leurs effets salutaires, non seulement sur leur santé, mais encore sur leur caractère moral.

Mais surtout, c’est depuis la Commune de 1871, que sont écloses en grand nombre les institutions destinées à préserver l’enfance des mille dangers qui l’assaillent : elles portent le nom de Sociétés protectrices, de Sauvetage, de Comités de défense, de Patronages, d’Unions familiales, de Garderies scolaires. De Paris, cet élan de sollicitude pour les enfans négligés, vagabonds ou maltraités s’est communiqué aux départemens, où il a déterminé la fondation d’œuvres autonomes ou de succursales des institutions parisiennes. Nous mentionnerons quatre ou cinq des plus remarquables.

Signalons, par ordre de date, la « Société générale de protection pour l’enfance abandonnée ou coupable, « fondée en 1879 par M. Georges Bonjean, juge au tribunal civil de la Seine. On sait à quelle généreuse pensée a obéi le fondateur. Son père, le sénateur Bonjean avait été un des otages saisis par les Communards et fusillé en 1871. Après la répression, qui fut terrible, M. Bonjean fils fut ému de pitié envers les centaines d’enfans de Communards qui demeuraient orphelins. Il résolut d’en adopter le plus grand nombre et de leur faire donner, avec des principes religieux, une instruction professionnelle, et les établit à Orgeville, près de Pacy-sur-Eure, où il avait une ferme. Outre cette colonie pénitentiaire privée, M. Bonjean a fondé la société de protection de l’enfance qui rend les plus grands services. Il, est assisté dans cette œuvre par son fils et sa fille. Encouragé par les premiers résultats, il a continué à recevoir des filles et des garçons, âgés de douze ans environ, orphelins moralement abandonnés ou insoumis, qui lui sont adressés par la Préfecture de police, les tribunaux, les hospices ou les administrations départementales.