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élections, pris d’imprudens engagemens envers les Irlandais. Heureusement, ceux-ci devaient par leurs prétentions, sauver le parti libéral du mauvais cas où l’avait placé le discours de Glasgow. M. Redmond a repoussé, au nom de ses amis, la loi dite de Dévolution qui concédait à l’Irlande la plus large mesure de gouvernement local et qui, pourtant, leur était offerte comme un minimum et un acompte.

D’une manière générale et sans insister sur des événemens déjà familiers à tous mes lecteurs, on peut dire que, faute d’une bonne direction, ces deux années ont été à peu près perdues Cependant, sir Edward Grey a bien réussi au Foreign Office. M. Lloyd George a préparé la résurrection du port de Londres ; il a apaisé la querelle entre les compagnies de chemins de fer et leurs employés, qui menaçait le commerce et l’industrie nationale. Il a fait plus et mieux qu’éviter une grève ; il a jeté les bases d’une institution arbitrale qui, en se généralisant, nous avancerait singulièrement vers la solution des questions sociales. La réorganisation de l’armée, par M. Haldane, sur un plan, nouveau, va son train et promet d’aboutir. M. Winston Churchill, au sous-secrétariat des Colonies, n’a pas démenti les espérances qu’il avait fait concevoir. Enfin, M. Asquith lui-même a été un bon chancelier de l’Echiquier, comme il avait été un bon ministre de l’Intérieur. Je résumerai son administration par trois chiffres :

Diminution d’impôts : cent vingt-cinq millions de francs ;

Suppression de dépenses : deux cents millions.

Amortissement de la dette : sept cent cinquante millions.

Et, en réalisant ces économies, il a préparé les ressources nécessaires pour transformer, enfin, en fait accompli cette loi des retraites ouvrières dont, en Angleterre comme en France, on parle sans cesse, mais qu’on voit fuir à l’horizon de chaque session qui finit.

Remporter un succès personnel, réussir dans son département alors que les départemens voisins sont en souffrance et que le ministère, considéré dans son entier, est une déception et un avortement, n’est pas, on l’a vu, chose nouvelle pour M. Asquith. J’ajouterai que son talent a encore grandi depuis deux ans. Le pressant et habile logicien d’il y a vingt ans, le debater redouté de ses adversaires s’est transformé en un orateur complet. Sa parole, nerveuse, mais un peu sèche, a acquis une abondance et