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l’énorme travail de préparation dont ils témoignent, par le consciencieux et subtil effort qu’ils révèlent pour faire la part de tous les besoins et pour répondre aux intérêts les plus divers, demeureront, je le crois, des modèles du genre. Le premier de ces bills fut si profondément modifié par la Chambre des lords que M. Asquith refusa de reconnaître son œuvre et ce premier travail fut perdu. Mais il n’en fut pas de même pour le Factories Act qui, cependant, prête à quelques critiques. Je me souviens qu’à cette époque j’étudiais, à ma manière, la question du travail des femmes. Or, ma « manière » consiste à éviter le plus possible les documens officiels et à converser avec les travailleurs. Cette méthode a je le sais, ses inconvéniens comme ses avantages et je n’en attends qu’une partie de la vérité. J’étais donc en communication, verbale ou épistolaire, avec un certain nombre d’ouvrières ou de directrices du mouvement. Elles se plaignaient de M. Asquith qui, disaient-elles, n’avait consulté que les ouvriers mâles, leurs concurrens, et des concurrens jaloux. « On parle d’humanité, d’hygiène, on veut nous empêcher de travailler dans des conditions insalubres. N’en croyez pas un mot. On nous empêche de faire notre besogne en surveillant notre dîner et nos enfans : par là on nous retire l’ouvrage des mains et le pain de la bouche : mais nous ne sommes pas députés, nous ne sommes pas électeurs. On ne nous écoute pas, on fait des lois sans nous consulter, pour des industries qui ne concernent que nous. » Je ne sais s’il arriva quelque chose de ces réclamations devant le parlement. Il me semble que le bill fut généralement approuvé. En tout cas, il fut considéré comme entièrement en dehors des discussions de parti. Si bien que, lorsque le Ministère, après avoir traîné, pendant trois ans, une pénible existence, tomba sur une question dénuée de toute importance, et lorsque les tories formèrent, en attendant les élections générales, une administration provisoire, M. Asquith fut prié de présider au passage de la loi à travers sa dernière étape, celle de la discussion en comité. C’était là un hommage exceptionnel, rendu à l’homme et à son œuvre parlementaire, car, d’ordinaire, la chute d’un cabinet met à néant les travaux législatifs qui n’ont pas atteint la phase finale. En cette circonstance, le ministre de l’Intérieur survivait, en quelque sorte, au gouvernement dont il avait fait partie. Il est arrivé, dans de grands désastres, qu’un général ait sauvé et même accru sa réputation militaire par une victoire partielle ou par