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l’adoption d’une candidature autre que celle de Montpensier avait écarté, revint aux affaires avec Sagasta et Rivero (10 janvier). Zorilla fut élu président des Cortès. Les espérances, toujours en éveil, de Montpensier, se ranimèrent, et ses amis recommencèrent leur campagne. Ils sollicitèrent à la fois Serrano et Prim. Serrano, toujours sensé, leur répondit : « Je ne veux pas parler de cette solution, parce que je n’aime pas à me mordre la langue. Mais c’est une folie, je fais passer mes devoirs et ma responsabilité avant mes amis. » Prim joua le rôle d’un polichinelle. D’abord il avait cru aux chances de Montpensier et les avait caressées. Le grand orateur républicain Castelar ayant proposé de déclarer incapables du trône tous les Bourbons de la branche aînée et de la branche cadette, Prim fait du rejet de cette proposition une question de cabinet : « J’ai accompli la révolution seulement pour renverser la Reine et sa dynastie, en laissant le reste à décider au pays ; j’ai prononcé le mot jamais, non pas trois fois, mais six fois : trois fois pour la reine Isabelle et trois fois pour son fils, le prince des Asturies ; mais ce mot ne s’appliquait à aucune autre personne. Ce n’est pas à dire que le gouvernement favorise la candidature de Montpensier ; non, le gouvernement juge opportun d’ajourner la question monarchique et il n’a aucun candidat. » La motion de Castelar est rejetée par 150 voix contre 37 (24 janvier). Mais voilà que Montpensier échoue dans sa candidature à Oviedo et à Avila (25 janvier), et que les manifestations contre lui se renouvellent sur tous les points du territoire. Prim se retourne et, avec sa désinvolture chevaleresque, passe de l’abstention bienveillante à l’hostilité déclarée. Les républicains lui ayant demandé l’éloignement du prince, il s’étonna « que la présence de Montpensier fût de nature à alarmer les esprits, et que le Cabinet tout entier, à l’exception de Topete, persistât dans son hostilité contre don Antonio de Bourbon. » Ce mot de Bourbon, souligné par l’orateur, provoqua les bravos. Il sembla que Montpensier disparaissait encore une fois de l’horizon.

Quelques amis de Prim le tâtèrent sur la candidature d’Espartero, duc de la Victoire. « Aucun Espagnol, dirent-ils, n’est plus illustre et plus universellement respecté. Son élection serait une garantie pour la liberté, car il ne pourrait donner le pouvoir qu’à Prim et à des libéraux éprouvés ; enfin il est vieux ; ce qui laisserait ouvertes les espérances prochaines aux républicains,