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point de vue militaire, elle ne facilitera guère ni la mobilisation, ni les opérations éventuelles de l’armée turque. Il faudra donc l’intervention de puissantes influences, décidées à aboutir, pour obtenir du Sultan Tirade accordant l’autorisation de construire le chemin de fer et la garantie d’intérêts nécessaire à l’entreprise. Sa résistance sera d’autant plus vive que des germes de mésintelligence commencent à se glisser parmi les puissances ; les prétentions de l’Italie au sujet de la part qu’elle aurait à la direction et à l’administration de la Compagnie du chemin de fer ne sont pas de nature à faciliter les négociations. Si les finances ottomanes ont des ressources disponibles, n’est-il pas permis de se demander si le baron de Marschall n’insistera pas pour qu’elles soient affectées à une nouvelle section de la ligne de Bagdad ? De puissantes interventions seront donc nécessaires pour surmonter les répugnances de la Turquie. Resteront les difficultés matérielles : le Drin ne coule pas au fond d’une paisible vallée ; il dégringole à travers des gorges abruptes et sauvages, dont les Albanais défendent les abords. Le chemin de fer du Danube à l’Adriatique se fera un jour ; mais nous ne sommes pas à la veille de l’inauguration ; d’ici là, beaucoup d’eau bondira encore dans les roches du Drin pour venir se perdre dans les marais de Médua, beaucoup d’iradés seront accordés à Yildiz, beaucoup de paysans serbes tomberont sous la balle de l’Arnaute farouche.

Les Bulgares, de leur côté, rêvent depuis longtemps de faire de Sofia le nœud des chemins de fer balkaniques. Le meilleur « Danube-Adriatique » serait, à leurs yeux, celui qui passerait par Viddin, Sofia, Uskub et aboutirait à Durazzo ; mais en attendant leur heure, ils se contentent de demander à la Porte l’autorisation de construire le tronçon qui raccorderait Keustendil, où leurs locomotives vont arriver dans quelques semaines, avec Uskub, par Koumanovo. La ligne est courte (90 kilomètres), facile, et le gouvernement bulgare ne demande pas de garantie d’intérêt à la Turquie : on peut donc prévoir qu’il obtiendra gain de cause. Par Uskub, les marchandises bulgares pourront, soit descendre vers Salonique, soit, plus tard, gagner un port de l’Adriatique par l’une des lignes projetées. Un autre tracé, qui aurait, dit-on, les préférences de la Porte à cause de son intérêt stratégique, partirait de Radomir, au Sud-Ouest de Sofia, et se dirigerait par Djouma-Ibala sur Sérès et la mer Egée. De toute