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On a souvent épilogue sur le sens de l’article 25 et sur les droits qu’il confère à l’Autriche-Hongrie ; il ne parle que de « routes militaires et commerciales, » et l’on s’est demandé si ces routes pouvaient être des chemins de fer. En diplomatie, tout peut se discuter ; mais, de bonne foi, le sens général de l’article n’est pas douteux ; il met le sandjak de Novi-Bazar à la discrétion de l’Autriche ; aucune restriction n’est apportée à son droit de mettre des garnisons dans les villes et d’avoir des routes militaires et commerciales. Adolphe d’Avril, qui écrivait en 1886, dit déjà, dans son beau livre : « Le Cabinet de Vienne, outre de grands avantages commerciaux, a obtenu la jonction des chemins de fer austro-hongrois avec la ligne qui fonctionne déjà de Salonique à Mitrovitza, jonction qui reliera la mer du Nord avec la mer Egée, Hambourg avec Salonique. » Il ne s’agissait encore, à cette époque, que d’une possibilité ; la réalisation pratique était plus difficile. Il fallait d’abord installer le régime autrichien en Bosnie-Herzégovine, y créer des chemins de fer. La voie ferrée n’atteignit la frontière de la Bosnie et du sandjak de Novi-Bazar qu’en 1906. Quant au sandjak lui-même, la Turquie, profitant de ce que l’administration lui en était laissée, travaillait à en éloigner l’influence effective des Autrichiens ; elle le divisait en deux sandjaks nouveaux, dépendant du vilayet de Kossovo, et ayant respectivement pour chef-lieu Plevlié et Sienitza ; elle excitait contre les Autrichiens le ressentiment des Albanais, si bien que le Cabinet de Vienne n’usait du droit de garnisons, que lui confère le traité de Berlin, qu’en occupant trois petites villes du Nord : Plevlié, Priboié, Priépolié ; il n’occupait pas Mitrovitza. Actuellement, l’effectif des troupes austro-hongroises, cantonnées dans le sandjak, atteint à peu près l’effectif d’une brigade.

Le pas en avant que l’Autriche vient de faire dans la direction de Salonique était donc prévu par le traité de Berlin, préparé et escompté ; cent soixante kilomètres seulement séparent Uvac, point terminus actuel des chemins de fer bosniaques, de Mitrovitza où commence le réseau de la Compagnie des chemins de fer Orientaux, dont le capital et le haut personnel sont Allemands. De Mitrovitza, la ligne traverse la fameuse plaine de Kossovo, « le champ des Merles, » franchit les défilés du Char-Dagh, rejoint à Uskub la ligne qui vient de Belgrade par Nisch, et descend la vallée du Vardar jusqu’à Salonique. Il était naturel