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CONSPIRATEURS ET GENS DE POLICE

L'AVENTURE DU COLONEL FOURNIER
ET LA MYSTÉRIEUSE AFFAIRE DONNADIEU
(1802)

DEUXIÈME PARTIE[1]


I. — DONNADIEU… DONNE-AU-DIABLE

La rue du Sentier, si passante aujourd’hui et si affairée, n’était, en 1802, qu’une solitaire et dormante ruelle. Prolongeant vers les vieux ormeaux des Boulevards l’étroit couloir du Gros-Chenêt, elle étendait en un silence tout provincial la fétide cavée de son unique ruisseau, les moisissures de ses pavés pointus, ses boute-roues de granit et deux ondulations de rares, inégales, taciturnes maisons. Çà et là, construits en retrait, quelques hôtels entrecoupaient l’alignement de ces bâtisses, mais déserts pour la plupart ; propriétés de ci-devant qu’avait confisquées la Nation. Etranglée et cahotante, cette venelle n’était guère fréquentée par le cabriolet : dans l’agitation du quartier Montmartre, elle ressemblait à quelque coin morose de bourgade départementale. Pourtant, elle avait eu jadis ses jours de vogue et d’élégance. Des carrosses précédés de coureurs l’avaient remplie de leurs sonorités ; des hallebardes de suisses, des livrées

  1. Voyez la Revue du 1er avril 1908.