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certain le vote de cet amendement. La majorité a tenu bon, malgré tout. Elle a maintenu à la loi un caractère interprétatif qui est un défi à l’évidence, afin de lui maintenir aussi le caractère rétroactif. C’est le vice qu’elle porte avec elle. La Chambre, devant laquelle elle est revenue, aurait pu le faire disparaître ; mais elle n’en a rien fait. Elle était trop pressée de partir pour ses vacances ; elle a voté tel quel le texte du Sénat.


Le Sénat a amendé une autre loi venue du Palais-Bourbon, une loi d’amnistie. Le besoin d’une amnistie nouvelle se faisait-il vraiment sentir ? Au train dont vont les choses, il ne se passera bientôt plus une année sans qu’une amnistie vienne défaire l’œuvre que nos tribunaux répressifs auront faite l’année précédente. Il est à peine besoin de dire que l’énergie et l’efficacité de la répression en sont singulièrement affaiblies. Il y a un certain nombre de délits qu’on peut commettre en France à peu près impunément. Autrefois, c’étaient les délits de presse ; mais le vent a tourné, et on se montre aujourd’hui sévère contre la presse, au moins lorsqu’elle commet des délits de diffamation. Pour le reste, l’indulgence est extrême, et comme il y a dans presque tous les délits des circonstances plus ou moins atténuantes, on invoque ces circonstances pour supprimer la peine dont le délit a été frappé.

Nous ne voulons pas être plus rigoureux que les autres, et nous reconnaissons volontiers que les délits commis l’année dernière dans le Midi, pendant les troubles viticoles, n’étaient pas sans excuses. L’effervescence des esprits avait troublé la claire vision des choses ; l’entraînement était général ; enfin les souffrances étaient grandes, et, quelles qu’en fussent les causes, les effets en étaient cruels. Dans cette atmosphère surchauffée, les délits ont été matériellement plus nombreux, mais moralement moins graves qu’en temps ordinaire. Il fallait les réprimer énergiquement et rapidement, pour les empêcher de se multiplier encore davantage ; mais nous admettons fort bien que les peines prononcées ne survivent pas plus longtemps qu’il n’est nécessaire aux circonstances qui les ont provoquées. Quand le gouvernement a parlé d’amnistie pour le Midi, il a rencontré une adhésion générale. Bien que les délits soient d’hier, ils semblent être beaucoup plus lointains. Le Midi a retrouvé sa physionomie habituelle : sans doute une mesure de clémence, prise avec opportunité, contribuera-t-elle à apaiser les cœurs encore un peu émus. Tout en protestant contre les amnisties trop fréquentes, nous admettons celle-là. Le gouvernement y en a joint une autre, contre laquelle il n’y a peut-être