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les patrons, et surtout sur les ouvriers, il pourrait rendre un vrai service à la paix publique.


Le Sénat a voté, non sans l’avoir amendée heureusement, la loi de dévolution des biens ecclésiastiques. La discussion a été longue, parfois passionnée, mais brillante et finalement utile : elle s’est toujours maintenue à un niveau élevé et fait grand honneur à l’assemblée où elle s’est produite. Certes, la loi reste mauvaise, détestable même à quelques égards ; en dépit des efforts de l’opposition libérale, le Sénat lui a maintenu son caractère rétroactif. Toutefois, il en fait disparaître le trait le plus odieux, ce qu’on a appelé la confiscation des biens des morts, c’est-à-dire des sommes qui étaient affectées par les donateurs ou les fondateurs à la célébration de messes ou d’autres exercices religieux en vue du repos de leurs âmes. Déjà, à la Chambre, des voix éloquentes s’étaient élevées contre ce brutal abus de la force, mais la majorité n’avait pas tenu compte de leur protestation. Au Sénat, il en a été autrement, ce qui tient à deux causes : d’abord à ce que le milieu n’est pas le même ; ensuite à ce qu’un travail s’est fait dans les esprits en dehors du Parlement. On s’est ému, on s’est indigné de ce qu’avait de répugnant cette spoliation de morts qui ne peuvent pas se défendre, et qu’on privait par surcroît de la défense qu’ils pouvaient trouver auprès des vivans. Le Sénat a fini par entendre le cri qui s’échappait de la conscience publique. Cela prouve qu’il ne faut jamais désespérer d’une bonne cause. Les orateurs et les écrivains de l’opposition n’avaient pas grande confiance, au début, dans l’efficacité de leurs efforts. Cependant ils ont parlé, ils ont écrit, ils ont lutté. Peu à peu les résistances ont fléchi devant eux, et finalement elles ont cédé.

La discussion a été soutenue par un trop grand nombre d’orateurs pour que nous puissions citer et résumer leurs discours. A droite, M. de Lamarzelle a fait preuve, comme à son habitude, d’un courage infatigable et d’une éloquence à laquelle tout le Sénat rend justice. Il est impossible d’être plus vif et plus pressant, sans être jamais blessant. Il en est de même de M. de Las Cases, qui a ouvert le débat avec beaucoup d’éclat. Enfin un orateur nouveau venu dans la haute assemblée, où il a fait récemment ses débuts en défendant les écoles congréganistes d’Orient, M. Jenouvrier, a montré une fois de plus un talent qui lui assure une place très distinguée parmi les orateurs de son parti. Au centre, parmi les progressistes, il faut citer M. Boivin-Champeaux, orateur qui sait tout dire en peu de mots, fermes,