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REVUES ÉTRANGÈRES

LE PREMIER MÉNAGE DE RICHARD WAGNER


Richard Wagner an Minna Wagner, 2 vol. in-8, Merlin, 1908.


Richard Wagner, comme l’on sait, n’a pas eu d’enfans de sa première femme, Minna, qu’il avait épousée en 1839, et dont il s’est tragiquement séparé en 1858 : et ainsi, grâce à Dieu, nous ne pouvons pas imaginer, dans le cas présent, que ce soit un fils ou un petit-fils de ce couple malheureux qui ait vendu lui-même, à un éditeur, des lettres que leur caractère tout particulier d’intimité pénible, et assez choquante, aurait dû préserver à jamais d’être publiées. Mais la lecture de ces lettres ne m’en a pas moins démontré combien il me sera décidément toujours difficile de me résigner à l’habitude, devenue désormais constante et universelle, de salir la mémoire des hommes qui nous sont les plus chers, en nous révélant des circonstances, plus ou moins inévitables, de leur vie privée qu’ils se sont efforcés, de leur mieux, à nous tenir cachées. Voici un noble et magnifique poète, le plus grand, peut-être, de nos temps modernes, et certes celui qui a remué nos cœurs le plus profondément : après avoir vécu près d’un quart de siècle avec une femme qu’il a passionnément aimée, et qui lui a prêté une assistance héroïque tout au long des cruelles épreuves de la première partie de sa carrière, il finit par se fatiguer d’elle, — une autre femme s’étant mise entre eux, — et il la renvoie d’auprès de lui, déjà très malade, — si épuisée par les angoisses et les privations qu’il la croit condamnée à une mort prochaine, — et il la laisse mourir isolée, désespérée, parmi des étrangers : conduite que, sans