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demander : « Ce que j’ai vu est-il si étonnant que cela ? Ne me suis-je pas excité volontairement l’imagination ?… »

Eh bien, non ! Cette ville, — prise en bloc, — est vraiment une chose unique au monde, moins peut-être par ses ruines que par son ciel et surtout par le site extraordinaire qu’elle occupe. Le rocher que j’ai sous les yeux, avec ses grandes surfaces lisses, ses portiques et ses frontons de marbre, est un colossal miroir dressé au centre d’une vaste plaine inondée de clarté, comme pour en capter toute l’opulence lumineuse. Le secret de son prestige est là. En somme, le coup de génie pour un Phidias, ç’a été d’obéir aux indications de la nature. Il a senti qu’il y avait dans cette roche, déjà consacrée par la religion, un piédestal tout préparé pour un chef-d’œuvre. Le chef-d’œuvre réalisé, ce fut la rencontre d’un grand artiste et d’un grand paysage.

Et c’est pour cela qu’il est absurde de séparer le Parthénon de son cadre. Descendez-le de sa colline, ôtez-lui les jeux de la lumière, l’atmosphère brillante et ventilée où il s’épanouit, le voilà presque rabaissé au niveau du Théseion. Tel qu’il est, au contraire, il surgit comme un étrange phare qui recueillerait tous les rayons et tous les reflets des matins et des soirs, pour les répandre en une changeante et brève illumination sur les montagnes et sur la mer…

Cela, c’est la grande beauté d’Athènes ; tout le reste n’est que de l’esthétisme, ou de la curiosité.


LOUIS BERTRAND.