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décoration extérieure nous rappelle que les Hellènes ne furent pas toujours simples, qu’ils avaient un penchant à la subtilité et qu’ils ne dédaignaient pas un certain tarabiscotage. En tout cas, l’impression de netteté, de clarté absolue que nous laissent en général les œuvres classiques, on ne l’éprouve point devant cette ruine.

Il est vrai que l’Acropole est devenue un terrain vague qui a été fouillé et refouillé par les archéologues, où l’on a remué et entassé les décombres. On poursuit, sans grand succès, les vestiges du Palais d’Erechtée, du Pandrosion, de l’Hécatompédon, du temple d’Hygie. Les pierres recouvrent les pierres, les fondations chevauchent les fondations. Ceci est romain, ceci est byzantin ou turc. Voici du grec post-médique, et voici du grec anté-médique. On s’y perd, on renonce à se faire une idée précise de quoi que ce soit.

Allons-nous en concevoir de la mauvaise humeur ? Une réflexion nous rassérène tout de suite : c’est que l’état ancien des lieux nous eût tout autant déconcertés. Qu’on songe plutôt à la quantité de constructions qui s’accumulaient dans cet espace resserré : temples, palais, chapelles, calcothèque, et pinacothèque, sans parler des statues, des stèles, des citernes et des autels. C’était la confusion d’une petite ville du moyen âge étranglée entre ses, murailles. Rien de tout cela n’était disposé selon notre goût. Le spectacle ne fut point préparé pour nous, et il faut en prendre notre parti.

Oui, je le crains, bien des choses nous eussent choqués dans l’Acropole de Périclès ! D’abord, le manque de perspective, car il est incontestable que le Parthénon, tout mutilé qu’il est, produit aujourd’hui un effet plus imposant qu’autrefois, lorsqu’il était bloqué par le foisonnement d’édifices et d’enceintes disparus. Certaines dispositions architecturales ne nous eussent pas agréé davantage : par exemple, l’entrée de la cella qui est tournée en sens inverse des Propylées. Nous sommes un peu déçus en constatant que cette porte fastueuse ne conduisait point directement au grand Temple qui, pour nous, est le centre monumental de la citadelle.

Il y a pis. Confessons toute notre pensée, au risque d’irriter les admirateurs quand même. Je me demande avec inquiétude si le Parthénon intact ne nous eût pas déplu. Peut-être l’eussions-nous accusé de lourdeur. Involontairement, le souvenir du