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jusqu’au sommet qu’avec beaucoup d’efforts. Il est vrai que l’horizon qu’on découvre de ce premier vestibule est déjà une récompense.

On s’y attarderait volontiers à savourer le plaisir de la halte et la griserie de l’air marin, si le petit temple de la Victoire Aptère n’était à deux pas.

Invinciblement, cette fine silhouette attire le regard, éclipse tout le reste. C’est d’ici qu’elle se présente sous son angle le plus favorable. D’en bas, l’effet était déjà frappant. Cependant, les masses de constructions qui la dominent, la rapetissent encore, la font ressembler à un puéril joujou architectural qu’on aurait oublié sur le mur. Et puis, on la voit de face, sous l’aspect ramassé d’un cube de maçonnerie qui, derrière le quadruple barreau de la colonnade, a l’air d’une cage à claire-voie, — tandis que, des Propylées, on l’aperçoit de trois quarts, avec des pleins et des vides. Les lignes élégantes du portique, considérées de biais, se détachent mieux sur le fond neutre de la cella, et, à droite comme à gauche, les dernières colonnes laissent passer de grands pans d’azur. Ainsi allégée par la perspective, séparée, pour le regard, de tout ce qui l’offusque ou l’amoindrit, la Victoire prend toute sa valeur. Elle plane véritablement entre terre et ciel. Parmi toutes les vieilles choses de l’Acropole, rien ne doit plaire davantage à notre goût moderne que ce bijou de marbre pentélique. Il flatte en nous ce que nous sommes convenus d’appeler le sens artiste et, par là, il nous apprivoise aux beautés plus sévères et plus difficilement accessibles du Parthénon. Au fond, l’antique que nous aimons, c’est celui des Alexandrins dans ses affinités plus ou moins lointaines avec un certain esthétisme contemporain. Cette charmante petite chapelle toute fleurie de molles volutes ioniques et de sculptures précieuses nous fait songer aux chefs-d’œuvre menus de l’Anthologie : elle est la sœur des Éros d’ivoire célébrés par les émules des Méléagre et des Léonidas de Tarente.

Je sais bien qu’elle ne ressemble point à ce qu’elle était, lorsqu’elle sortit des mains de Mnésiclès. Ce que j’ai sous les yeux, c’est une fausse ruine encore ! Elle est l’œuvre de trois architectes allemands qui l’ont reconstruite de fond en comble avec des débris ramassés sous l’ancien rempart des Turcs. Mais elle est peut-être mieux ainsi. La balustrade, toute en bas-reliefs