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Ramassé dans sa force, le pronaos du Parthénon s’enlève sur le bleu du ciel, l’air circule dans l’espace libre des entre-colonnemens, et ce mur de marbre, ainsi découpé à jour, semble une délicate et frêle balustrade penchée sur les éblouissemens du crépuscule.

Au milieu de l’allée, des bonnes en tabliers blancs surveillent des enfans qui jouent.

Le contraste peut sembler ridicule. Mais, aperçue de cet endroit, mêlée aux scènes familières d’un jardin public, environnée de choses toutes modernes, la silhouette du vieux temple vénérable me plaît davantage que dans le vide majestueux qu’on a fait autour de lui. On sent que, malgré tout, il appartient encore à la cité, qu’il continue à vivre de sa vie et qu’il en est toujours la glorieuse couronne.

Où ce sentiment s’impose avec le plus d’évidence, c’est sur la place du Syntagma, parce que toute la vie athénienne s’y concentre.

On vient là vers quatre heures, pour causer en prenant des glaces. A partir de ce moment, l’esplanade se transforme en un véritable salon de conversation, comme au Prado de Madrid. Il y manque le luxe, les attelages de mules, les mantilles et les bijoux héréditaires. Mais Athènes n’est une capitale que de nom. Pour nous Français, c’est une charmante ville de province, où nous saluons au passage les mêmes types connus et prévus que dans un de nos chefs-lieux de département, à l’heure de la musique. Voici les fonctionnaires, les commerçans, les officiers de la garnison. Le premier ministre lui-même s’assied avec une bonhomie toute démocratique sur les chaises de paille du café Zacharatos. Du côté des femmes, il y a de jolies figures en grand nombre, quelques-unes fort belles. Leurs toilettes sont très simples et d’un goût irréprochable. Une dame turque, qui n’a jamais vu que des Pérotes, me dit : « Vous les trouvez simples ! C’est parce qu’elles sont pauvres !… Si elles étaient riches, elles se mettraient sur le dos tout un magasin de nouveautés, comme leurs parentes du Caire ou de Smyrne !… » J’ai honte de rapporter ces médisances féminines, moi qui ne devrais que des remerciemens aux dames athéniennes, pour avoir illuminé de leurs grands yeux noirs mes flâneries du Syntagma !…

Ce Syntagma ! on y goûte vraiment toute la paresse méditerranéenne ! Quand on arrive d’Egypte, c’est un délice d’oublier le