Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/906

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pavanait autrefois la statue de Marcus Agrippa, et dont la carrure trapue écrase la Victoire Aptère qui lui fait pendant, ce trophée romain, un peu sot en son enflure officielle, se confondait, dans les photographies et les gravures qui m’ont enseigné l’Acropole, avec la masse de la Pinacothèque, sa voisine. Je ne l’avais pas prévu. Et je sais que, là-haut, dans l’enceinte de la Déesse, on a dégagé les fondemens de l’Hécatompédon et aussi ceux du palais d’Erechthée. La physionomie de la citadelle s’est profondément modifiée depuis un siècle. Si Chateaubriand pouvait s’y promener encore, il ne s’y retrouverait plus. D’année en année, les changemens s’accusent davantage, et quand on revient après quatre ou cinq ans, on doit éprouver des surprises quelquefois douloureuses.

J’entends bien que ces bouleversemens sont utiles à la science, mais la beauté en souffre, et, peut-être autant, la vérité que l’on vient chercher ici. En somme, le résultat de tous ces travaux est de transformer cette petite colline en une sorte de laboratoire archéologique : cela devient une succursale de l’Ecole des Hautes-Etudes. C’est à cette condition, je le veux bien, qu’on vérifie les textes, qu’on précise les dates, qu’on éclaircit les questions d’origines ; mais, en revanche, on aboutit avec cette méthode à tout mettre sur le même plan, — un tas de pierres et le chef-d’œuvre de la Victoire, — à rendre contemporains pour nous des monumens qui ne l’étaient pas, enfin à juxtaposer des motifs architectoniques nullement destinés à composer un ensemble. De là des fautes de goût. On comprend trop, devant ces chantiers de construction qui se sont formés sur les vestiges du passé, que l’art et la science ne se proposent pas le même but.

Si celui de la science est la vérité historique, il faut convenir encore qu’elle y atteint médiocrement. De bonne foi, peut-on se flatter, avec l’image très incomplète que l’archéologie nous en offre aujourd’hui, de ressusciter le Parthénon du Ve siècle ? Le peu qu’elle a fait est moins propre à satisfaire l’esprit qu’à l’égarer. Regardons plutôt ces rangées de colonnes tronquées qui sont sous nos yeux, et dont quelques-unes ont été raccommodées avec des crampons de fer : ce débris factice, voilà pour nous les Propylées ! Nous aurons beau mettre à contribution les auteurs anciens et les archéologues modernes, nous n’arriverons jamais à soupçonner ce qu’elles ont pu être dans