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glissait le long des cannelures, et cette caresse magnifique du soleil agonisant semblait faire palpiter les beaux torses d’une vie légère et divine. Plus haut encore, la châsse immaculée de la Victoire Aptère siégeait en plein azur. Les contours délicats se voilaient à peine d’une vapeur mauve imperceptible, et, sous l’architrave ciselé comme un coffret d’ivoire, les doubles volutes des chapiteaux ioniques se teignaient du rose vivant des conques et des coquillages marins. Et tout cet ensemble s’enlevait sur un ciel d’un bleu miraculeux, ce bleu dense, éther incorruptible et comme supra-terrestre, qui, dans le tableau d’Ingres, baigne l’apothéose d’Homère.

La basse réalité expire au seuil de cette porte. Voici l’arche qui s’ouvre sur le monde idéal. C’est la scène immuable où l’on voudrait placer les plus nobles tragédies. Pour créer cette merveille et transfigurer cette roche stérile, il a suffi de quelques lignes pures et des jeux instables de la lumière.

Mais si l’on détourne les yeux de la citadelle et des frontons sacrés, immédiatement le mirage s’évanouit.

Athènes « la pierreuse » est en bas. Si différente qu’elle soit de la ville ancienne, il est probable que son cadre de plaines et de montagnes ne s’est guère modifié depuis le temps de Périclès. La campagne avoisinante est tout à fait dépourvue de grâce. Le gris des oliviers rampe comme une mince fumée sur les champs couleur de terre de Sienne, ou jaune pâle, jaune de poussière. Au milieu, les maisons blanches des nouveaux quartiers, et de loin en loin, les quenouilles brûlées de quelques cyprès. C’est médiocre et plat comme une fresque pompéienne aux tons passés et criards… Mais sur cet horizon ingrat, il y a le resplendissement de la Colline Sainte.

Arrêtons-nous pour en jouir ! Ce bloc de pierre, qui gît en face de la porte extérieure, est un siège propice à la contemplation. A ma droite, au-dessus de l’Odéon d’Hérode Atticus, un pilier solitaire se dresse, éclatant et svelte, comme un chandelier d’or…


Je regarde, j’essaie de ramasser en un coup d’œil tout le détail de la ruine, et, involontairement, je fais effort pour raccorder ce que je vois avec mes souvenirs anciens. Plusieurs choses me déroutent.

Ce piédestal démesuré, aussi haut qu’une tour, où se