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Ne faisons pas les dégoûtés ! Acceptons même les saignées de moutons sur le trottoir, en songeant qu’aux Panathénées, on égorgeait des taureaux avec aussi peu de cérémonie. Hypnotisés que nous sommes par nos idées littéraires, nous ne voulons pas nous rappeler que les fêtes antiques comportaient tout un programmé de boucherie et de cuisine populaire, dont nos délicatesses eussent cruellement souffert. Les nobles draperies des spondophores nous font oublier la guenille et la pouillerie réelles de ces temps héroïques. Il est inutile d’aller les rechercher dans Aristophane : il n’y a qu’à considérer et à respirer la rue d’Athèna, avec le stoïcisme de l’historien et du critique, à qui rien de ce qui fut grec ne doit rester étranger.

Pour moi, j’avoue mon faible : cette animation vulgaire me réjouit. J’aime que le chemin qui conduit au temple ruiné de la protectrice des artisans, — de l’Ergané industrieuse, — soit encore tout rempli d’une rumeur ouvrière et commerçante, et que l’activité des vivans rende toujours témoignage à l’exemple et aux enseignemens que la Déesse donna jadis.


Au tournant de la rue d’Hermès, le décor change, mais le mouvement et la vie se perpétuent. On dirait presque un faubourg de sous-préfecture provençale : auberges crottées, boutiques de bourreliers et de maréchaux ferrans ! Cela sent le cuir, l’écurie, le vin résiné et les fritures à l’huile d’olive. Des carrioles peinturlurées à la mode sicilienne stationnent, les brancards en l’air, devant les portes des cours. Çà et là, des paysans passent, les hanches ondulantes sous leurs fustanelles de toile, dont les plis empesés et réguliers rappellent les chitôns rigides de leurs lointains ancêtres, tels que les représenta la statuaire archaïque…

Et, tout à coup, sur une butte sablonneuse, le Théseion apparaît… Quelle déception devant cet édifice à peu près intact, — échantillon certain de l’art hellénique à sa plus brillante époque ! On le dirait construit, comme le palais du roi Georges, par un architecte bavarois. On a beau se provoquer à l’admiration, on ne lui découvre pas d’autre mérite que la correction pesante d’un thème grec sans fautes.

Mais les alentours sont amusans. Il y a des guinguettes et des théâtres, voire une apparence de square avec un bassin. Les tables et les chaises des estaminets encombrent tout le