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la première pointe de l’aube et surtout au couchant, lorsque la lumière qui se décompose le revêt de colorations plus nombreuses, plus suaves et plus splendides que les polychromies effacées de ses colonnes et de ses frises. À cette heure-là, j’ai contemplé l’Acropole sous tous ses angles, — de tous les endroits où les lignes mutilées de ses ruines s’ordonnent avec le plus de magnificence : sur l’esplanade du Théseion, sur la colline du Pnyx au pied du monument de Philopappos, sous les architraves rompues du temple de Jupiter Olympien, ou tout prosaïquement, comme les bourgeois de la ville, sur les terrasses du Zappion et du Syntagma.

Cependant, aucun de ces lieux ne me plaisait autant que le Café du philosophe Socrate qui est à mi-côte de la Colline sacrée. Je n’apercevais de là que le fronton ébréché du Parthénon, — lourd triangle d’or écrasé sous les pourpres du soir, — et les arches trapues du théâtre d’Hérode Atticus. Mais la silhouette aérienne de la Victoire Aptère, élancée au-dessus des masses architecturales, y prenait toute sa grâce et tout son envol triomphal.

Il n’y avait jamais beaucoup de monde autour des tables disséminées le long de la route : deux ou trois employés qui s’éternisaient sur leur verre de raki, quelquefois un soldat avec son amoureuse. Le soleil descendait derrière l’Hélicon formidable, et, quand mes yeux étaient las d’épier les splendeurs changeantes de la Victoire, je goûtais une douceur de solitude et une mélancolie pareilles à celles de nos petites villes méridionales au crépuscule. A l’extrémité de la route, sur la dépression qui sépare le Mouseion de la colline du Pnyx, la chapelle de Saint-Démétrios, avec sa cloche minuscule, me semblait puérile et charmante comme un ermitage dans une toile de primitif italien. De chaque côté, deux longs cyprès dépassaient un peu l’échancrure qui s’ouvre sur le golfe de Salamine, et leurs dernières branches se doraient encore, dans la nuit tombante.

L’impression la plus étonnante que l’on reçoive de l’Acropole c’est sans doute, par un soir de juin ou de juillet, en sortant de la gare du Pirée, à l’entrée de la rue d’Athéna.

Au fond de l’avenue toute droite, où s’espacent les ballons