Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/9

Cette page n’a pas encore été corrigée
L’OMBRE DU PASSÉ

DEUXIÈME PARTIE[1]

VII

Le jour vint où Adone put enfin aller à l’école de Viadana.

Sa mère l’y accompagna, pour le présenter à son futur professeur et au directeur de l’école. C’était un matin d’octobre, froid et brumeux. Adone, dans sa hâte de partir, n’avait mangé qu’une tranche de polenta, et, à moitié route, il commençait presque à avoir faim. Mais qu’importaient la faim, le froid, le brouillard  ? Il marchait en sifflant, les mains dans ses poches, un cahier et le livre de la troisième élémentaire sous le bras  ; et il lui semblait qu’il partait à la conquête du monde.

À travers le brouillard qui commençait à s’éclaircir, on entrevoyait confusément le fleuve. Çà et là quelques arbres se dressaient, tout jaunes, pareils à des flammes au milieu de la fumée. L’enfant se rappelait le voyage fait à Viadana sous le manteau de son oncle, le petit sac plein d’or, la promesse du colosse. Comme il avait été heureux, ce jour-là  ! Mais aujourd’hui il se sentait plus heureux encore  : il avait réalisé le grand rêve de sa vie  ! Peu lui importait de ne pas avoir l’argent du sac. Est-ce qu’on a besoin d’avoir de l’argent pour aller à l’école  ?

— N’est-ce pas, maman  ? demanda-t-il tout à coup, suivant le fil de ses secrètes pensées.

  1. Voyez la Revue du 15 février.