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PAYSAGES DE GRÈCE


I. — EN RADE D’ALEXANDRIE


27 juin 1906.

C’est l’exode estival des Hellènes d’Egypte vers les hôtels et les casinos de la mère patrie.

Partout, sur le pont du bateau, des femmes en toilettes claires : les unes, affalées dans la poche de toile des fauteuils-plians ; les autres, plus vaillantes, accoudées au bastingage. Des bambins pendus à leurs jupes, des nourrices se promènent portant sur le bras le dernier-né d’une famille. (Les familles grecques sont volontiers nombreuses ! ) Des jeunes gens, aux cravates et aux chaussures trop belles, arpentent le plancher d’un pied fringant. Ils parlent très haut de leurs récens examens. Ils s’interpellent bruyamment, la plupart en français, quelques-uns en anglais, pour attester leur brillante éducation.

Sous la tente de la dunette d’arrière, les personnes tranquilles sont plongées dans la lecture du volume à couverture jaune acheté chez le libraire de la rue Chérif-Pacha : Les Désenchantées de Pierre Loti, ou la Dixième Muse de M. Georges Ohnet. Un pappas, en costume de médecin de Molière, fume un gros cigare. Personne ne songe à tourner les yeux vers Alexandrie qui disparaît à l’horizon.


Alexandrie ! Quel rêve !… Par un soir de juin comme celui-ci, voir le crépuscule descendre sur une grande ville maritime qui flamboie avec moins de magnificence dans les feux du couchant que dans l’imagination enivrée de souvenirs !…