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LE CIMETIÈRE DE MENTON

C’est un vieux cimetière au flanc de la colline ;
Il domine la ville et regarde la mer.
Une route à lacets y conduit, et dans l’air
La poussière s’étend comme une mousseline.

— D’un côté, le vallon aux contours onduleux,
Ici, des orangers s’étageant en terrasses ;
Aux fentes des rochers, de lourdes plantes grasses
Et des géraniums grimpant aux murs calleux ;

La nature partout puissante et vigoureuse,
Partout le clair rayonnement d’un ciel d’azur,
L’éclat éblouissant, impitoyable et dur
Du soleil qui sourit à la terre amoureuse ;

Et puis là-bas, à l’infini se prolongeant,
La Méditerranée immense, d’un bleu sombre,
Plus calme que ces lacs dont les remous sans nombre
Se frangent çà et là d’une écume d’argent.

Oui, partout la beauté, la vie heureuse et chaude,
La couleur plus intense et le rêve exprimé, —
Et la brise exhalant un souffle parfumé
Sur la mer de saphir aux reflets d’émeraude…

— Et pourtant, à mes pieds, sous mes pas incertains,
Parmi les mimosas, les jasmins et les roses,
Des marbres blancs cachant des lèvres toujours closes
Et voilant le soleil à des regards éteints…

Hélas ! songer qu’ici la Mort inanimée
Fige des corps vivans dans l’éternel sommeil
Et que, sous le ciel clair de ce site vermeil,
Je viens m’agenouiller sur une tombe aimée !…



Baronne Antoine de Brimont.