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Mais rien ne vient répondre aux appels d’autrefois,
Car le temps a semé la mort sur son passage.
Les palais des Césars s’effritent d’âge en âge
Et des dieux oubliés nul n’entend plus les voix.

Le Latium déchu de sa splendeur païenne,
Qui n’est plus aujourd’hui que ruine et que deuil,
Que temples écroulés du faîte jusqu’au seuil,
Que souvenirs épars sur la voie Appienne.

Le Latium s’étend muet, inconsolé,
Sous la blanche lueur du soleil qui se lève
Et semble s’abîmer dans la douceur du rêve
Où rit une bacchante au torse dévoilé !


NOCTURNE


(Avril 1907)


Sereine nuit d’avril qu’argente le croissant
De la lune… Douceur de la ville apaisée
Dans un souffle d’amour tiède et frémissant…

Lourd silence qui plane au pied du Colisée…
Passé mort qui surgit encor, majestueux,
Sur un temple détruit dont la pierre est usée…

Tibre profond qui fuit le long des quais brumeux,
Qui garde le secret des choses en allées
Et qui semble un ruban fluide et sinueux…

Formes vagues, que l’ombre a lentement voilées…
Souvenirs évoqués, somptueux et divers,
Et splendeurs que le temps barbare a mutilées…

Toits, dômes et clochers… Jardins de chênes verts
Qui frissonnent au vent venu de la campagne…
Vieille Rome endormie au sein de l’univers…

Sereine nuit d’avril dont la langueur me gagne…