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LA DANSEUSE

Le temple de Vénus s’élève, portes closes,
À l’abri des vents froids et du faune malin
Au bord de l’Archipel, sous le dôme opalin
De la nuit qui s’étend, calme, sur toutes choses.

La danseuse sacrée a caché ses seins roses
Sous les plis vaporeux de son voile de lin,
Car, devant la Déesse au regard sibyllin,
Très souple, elle se penche en de classiques poses.

Elle marche en cadence, et lève ses bras blancs,
Et tous ses mouvemens sont rythmiques et lents,
Faits pour s’harmoniser avec l’âme nocturne ;

Et la Déesse rit, sans daigner se fâcher,
En la voyant, confuse et prompte, rattacher
L’étroit ruban d’argent qui retient son cothurne.



BYBLIS

Byblis, fiévreusement, marche depuis l’aurore.
Qu’est devenu Caunos, le frère bien-aimé ?
Ses cris frappent en vain le bois inanimé,
Mais elle ne veut pas désespérer encore.

« Caunos, frère chéri, toi que mon âme adore,
Pourquoi n’entendre plus ton rire accoutumé ?
Notre innocent amour n’a-t-il pas désarmé
Les jalouses fureurs du faune et du centaure ?… »

Or voici qu’elle arrive en des lieux inconnus.
Il fait nuit. Les cailloux déchirent ses pieds nus
Et son cœur est empli d’une indicible peine.

Soudain, les pleurs brûlans qui venaient l’aveugler
Lentement, sans arrêt, se mettent à couler…
Et Byblis par les Dieux est changée en fontaine.