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tous les observatoires avec leur résultats, cet homme n’est qu’une paire de lunettes derrière laquelle il n’y a point d’yeux. Vos Instituts, vos Académies des sciences luttent bravement et, parmi les myriades d’hiéroglyphes inextricablement entassés et entrelacés, recueillent par des combinaisons adroites quelques lettres en écriture vulgaire qu’ils mettent ensemble pour en former une ou deux recettes économiques fort utiles dans la pratique. » Et nous ajoutons : « Cette indifférence aux antagonismes du laid et du beau, du bien et du mal, du maudit et du sacré, est le trait le plus remarquable de l’esprit scientifique moderne. Nulle superstition des primitives imaginations n’est signo d’une baisse de l’intelligence humaine comme cette disparition de la sensibilité au divin et à ses deux grandes expressions dans notre monde : le beau dans les apparences et l’héroïsme dans les âmes[1]. »


Au culte de la science substituez donc le culte de la vie, — surtout à l’école, où l’on immole à la science la promesse en fleur de la vie. Que l’enseignement parle d’abord au cœur et aux yeux de l’enfant ! Une histoire naturelle qui ne croie pas avoir tout expliqué quand elle a tout disséqué, mais qui, derrière l’ordre, montre à la jeune intelligence le mystère, — une histoire humaine qui ne soit pas une morne chronologie, un catalogue de batailles et de traités, mais un fervent récit des idées, efforts et volontés des peuples, dégageant (comme l’histoire des pierres de Venise) la raison morale de leurs destinées, — un enseignement des lettres qui ne soit pas une philologie, mais une certaine révélation de l’âme qui respire pour toujours dans l’œuvre des grands poètes. A l’école primaire, des classes spéciales où ceux qui répugnent à la lecture, l’écriture et l’arithmétique, lesquelles ne sont absolument pas nécessaires, « et profitent à bien peu, » apprendront de la bouche du maître, avec les plus belles histoires de héros et de poètes, avec le chant, le dessin et les danses, les choses qui seront les réalités quotidiennes de leur vie, — les enfans des champs, celles des champs, les enfans de la côte, celles de la mer et de la pêche, les enfans de la ville, du calcul mental, du dessin linéaire, et par groupes, les principaux métiers manuels de la ville.

  1. Aratra Pentelici, III.