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n’ai pu y insérer quelques petits détails qui sont en dehors de ma mission. J’avais bien pensé à les adresser particulièrement à l’amiral, mais dans la crainte que cette liberté lui déplût, je me suis décidé à vous les donner ; en vous priant de les lui communiquer si vous le jugiez convenable.

A mon arrivée à Palerme, j’ai recherché tout ce qui concernait l’arrivée prochaine de la duchesse de Berry. Le soir j’ai été présenté à son frère le prince Léopold, lieutenant général de la Sicile et au prince de Campofranco, ministre dirigeant.

J’ai vu aussi plusieurs autres personnes, et enfin j’ai reconnu que cet événement faisait peu de sensation dans le pays. On y est habitué aux écarts des princes et princesses, et, comme l’immoralité est dans les mœurs de tous, aucun n’est étonné qu’une Altesse ait un enfant d’un père inconnu.

J’ai dit père inconnu. En effet, le comte Hector de Lucchesi, jeune et beau garçon, est arrivé à Palerme vers le premier juillet, il venait de Naples et de la Haye où il vivait dans l’intimité de Mme du Cayla.

La paternité et l’épouse avaient été offertes à trois ou quatre jeunes princes napolitains ou siciliens.

M. Ouvrard sut vaincre, avec ses argumens ordinaires, les scrupules du comte Hector, qui a accepté le tout.

Ce qui préoccupait le plus les Palermitiens, c’était de savoir comment le jeune Hector s’en tirerait avec la vieille princesse de ***, avec laquelle il a été lié à Madrid lorsqu’il y était secrétaire d’ambassade.

Cette femme est très jalouse, on présume qu’elle fera quelques scènes à la duchesse de Berry, qui lui enlève celui de ses amans qu’elle aime le mieux. Du reste, toute cette affaire occupe peu à Palerme.

Tout le monde se prépare pour les fêtes dispendieuses qui auront lieu du 11 au 15 juillet en l’honneur de Sainte Rosalie, patronne de la Sicile ; et personne ne met en doute que l’héroïne de Nantes n’y prenne une part fort active.

Dès que l’Agathe parut, je me rendis à bord[1]. J’y ai passé toute la journée, et n’ayant qu’à attendre les ordres de Turpin[2], il m’a été facile d’observer le rôle que chacun a joué dans cette journée historique. En arrivant, j’ai été présenté à la

  1. Mme la duchesse de Berry arriva à Palerme le 5 juillet 1833.
  2. Capitaine de frégate commandant l’Agathe.