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était en sa puissance d’accomplir dans les circonstances les plus favorables pour elle. Cela n’était pas bien formidable, et la longanimité du gouvernement, la générosité du Roi auraient ramené beaucoup de gens qui ne demandaient qu’un prétexte pour rester tranquilles.

On savait le roi Charles X et Mme la Dauphine peu disposés à encourager les entreprises de Mme la duchesse de Berry. Une fois à Prague, et il était facile d’exiger qu’elle y arrivât, elle serait retombée dans leur dépendance et aurait été forcée à plus de sagesse.

Il faut le reconnaître, d’ailleurs, les prévisions les plus sagaces ont un terme. Il était impossible d’imaginer que la captive jouerait si obstinément le jeu de ses adversaires. Mais, je dis plus, en eût-on eu parole, il aurait été plus habile, à mon sens, de ne s’y point exposer.

Car, pour le léger avantage de perdre un chef en jupes, dont l’événement a montré du reste toutes les faiblesses, on a accumulé beaucoup de haines et de reproches légitimes sur des têtes royales. Dans un temps où le manque de respect pour les personnes et pour les choses se trouve une des grandes difficultés du pouvoir, on s’est plu à traîner dans la boue une princesse, que son rang et quelques qualités brillantes devaient tenir à l’abri de l’insulte du vulgaire.

On a fait répéter, avec une apparence de vérité, comment les familles royales étalaient sans honte les plaies que les familles bourgeoises cachaient avec soin ; et comment les haines politiques l’emportaient dans leur cœur sur les liens de la parenté et toutes les affections sociales.

Cela pouvait être sans risque autrefois, alors que les grands seuls avaient droit de parler aux peuples d’eux-mêmes. Mais actuellement que leur conduite passe au creuset de la publicité, et de la publicité malveillante, il leur faut dans les actions de leur vie publique et privée l’honnêteté, la pudeur et la délicatesse exigées du simple particulier. Je persiste donc à croire que personne n’a gagné au triste drame de Blaye, pas même ceux qui semblent y avoir triomphé.

La tâche de Mme du Cayla n’était pas achevée. Non seulement le roi Charles X avait voulu qu’on lui présentât un mari, mais encore il exigeait la preuve d’un mariage fait en temps opportun. Mme du Cayla se rendit en Italie à cet effet, et, grâce au