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personnelles pour ne la point accompagner, elle-même s’en souciait peu. N’ayant pas encore compris à quel point elle était déchue, elle demanda de nouveau Mlle de Montaigne en promettant de la garder auprès d’elle ; celle-ci se trouva d’accord avec sa famille, cette fois, pour refuser.

Mme la duchesse de Berry, dont les correspondances étaient parfaitement libres maintenant, s’adressa à la princesse Théodore de Bauffremont, et lui écrivit en l’engageant à venir assister à Palerme à ces fêtes de la Sainte-Rosalie dont elle lui avait si souvent parlé.

Mme de Bauffremont hésita à se rendre à une demande si singulièrement rédigée. Cependant elle avait été tellement avant dans toute celle intrigue politique, et sa réputation de femme était si bien établie, qu’elle consentit à deux conditions : son mari serait du voyage, et, loin de s’arrêtera Palerme, Mme la duchesse de Berry se rendrait directement en Bohême où tous deux l’escorteraient.

M. de Mesnard, acquitté par le jury de Montauban, comme tous les passagers du Carlo-Alberto, et que nous venons de voir courant très librement les rues de Paris, remplaça M. de Brissac à Blaye.

Quoique fort irritée de sa naissance, Mme d’Hautefort, très bonne personne dans le fond, montrait de l’intérêt à la petite Rosalie et la mère en raffolait. La scène changea à l’arrivée de Mme de Bauffremont : celle-ci la traita du haut de son mépris, ne daignant pas la regarder.

M. de Mesnard ne cachait pas la répulsion qu’elle lui inspirait, et Mme la duchesse de Berry s’en occupa beaucoup moins.

Le curieux de l’aventure, c’est que la pauvre Mme d’Hautefort fut accueillie par tout le parti carliste avec la plus excessive malveillance. Dans sa province d’Anjou les portes lui furent presque fermées ; et l’hiver suivant elle eut la naïveté de me faire dire, par un ami commun, qu’elle n’osait pas venir chez moi dans la crainte d’accréditer le bruit répandu qu’elle était vendue au gouvernement.

Malgré l’étrange rôle qu’elle nous faisait jouer, par là, à toutes deux, cela m’a paru si ridiculement absurde que j’ai toujours négligé de m’en fâcher. J’ignore, au reste, ce qu’on lui reprochait ; mais il n’y a pas d’invention saugrenue dont les exaltés du parti carliste ne soient capables.