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Mais, se relevant petit à petit, il voulut faire une énigme de ce qui n’était que trop clair. Les uns l’annonçaient une ruse de guerre inventée par la princesse, d’autres la niaient absolument, un certain nombre la proclamait imposée par la violence matérielle ; mais tous étaient d’accord pour supposer cette révélation arrachée par ce qu’ils nommaient des tortures morales.

On faisait mille contes à ce sujet. Il est positif cependant qu’elle a été entièrement spontanée. Personne n’en a été plus surpris que le général Bugeaud, si ce n’est le ministère. Mme la duchesse de Berry ne l’a jamais nié en aucun temps.

Je crois bien, à la vérité, que si elle avait espéré trouver dans M. Bugeaud la même assistance clandestine que dans M. Chousserie, elle l’aurait préféré ; et encore cela est-il douteux.

J’ai vu soutenir à de fort belles dames qu’elles auraient constamment refusé tout aveu et seraient accouchées en criant à tue-tête : « C’est une atroce invention de mes bourreaux… je ne suis pas grosse… » Mais, cet excès d’impudence est plus facile à rêver qu’à mettre en action.

D’ailleurs, Mme la duchesse de Berry, je l’ai déjà dit, n’attachait pas une très grande honte à un événement qui n’était pas nouveau pour elle-, et dont les exemples se rencontraient dans sa propre famille.

De plus, elle entendait être convenablement soignée, témoin le souci pris par elle-même d’appeler Deneux, qui exigea un ordre de sa main ; et, dans ce but, elle se serait sans doute décidée à faire confidence de son état au général Bugeaud, comme elle l’avait fait au colonel Chousserie, à la dernière extrémité.

Mais j’ai lieu de croire, je le répète, qu’un conseil venu du dehors, et mal compris par elle, l’entraîna à exiger la publicité d’une déclaration dont le modèle lui avait été envoyé, mais qui devait rester enfouie dans les murs de Blaye avec le triste secret qui s’y renfermait.

Aucun des partisans les plus dévoués de la princesse ne prenait au sérieux ce prétendu mariage, ni ne songeait à l’invoquer pour excuse. A la vérité, en étant toute chance possible de régence à Marie-Caroline, il lui enlevait son existence politique et les contrariait encore plus que la grossesse, que cependant, tout en y croyant parfaitement, ils s’étaient repris à nier ;