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sortable. De nouvelles réticences y laissaient presque entrevoir un caractère politique. Puis, s’apercevant qu’elle dépassait le but, elle revenait à l’amour, l’amour passionné, irrésistible.

Bugeaud, bon homme dans le fond, avait commencé par être ému. Mais ces tergiversations l’empêchèrent d’ajouter foi à ses paroles ; il y vit une scène montée à l’avance.

Cependant, lorsque la princesse demanda à faire la déclaration de son mariage, à la condition qu’elle serait immédiatement insérée au Moniteur, il lui répondit que le nom de l’époux était indispensable à la validité du document. Elle s’y refusa obstinément.

La pauvre femme aurait été bien empêchée à le fournir, car ce mari postiche n’était pas encore découvert.

Mme la duchesse de Berry chargea M. Bugeaud de faire sa triste confidence à Mme d’Hautefort et à M. de Brissac. Était-ce un moyen de mettre leur responsabilité à l’abri, ou bien avait-elle en effet gardé le silence envers eux jusque-là ? Je ne sais. Mais ils montrèrent plus de chagrin que de surprise.

Il est positif que, dans le même temps, M. de Mesnard s’exprimait à Montauban, où le procès dit du Carlo-Alberto le retenait encore, dans des termes qui ne permettaient pas de le croire instruit de l’état de Mme la duchesse de Berry et la déclaration de mariage le jeta dans le désespoir.

Déjouée dans la pensée d’être aussitôt remise en liberté, et le gouvernement annonçant le projet de lui laisser faire ses couches à Blaye, il paraît que la princesse se plaignit amèrement à ses confidens du mauvais conseil qu’on lui avait donné. Mais elle ne dissimula plus sa grossesse et bientôt elle fit demander à Deneux, son accoucheur attitré, de se rendre auprès d’elle.

Elle continuait à entretenir le général Bugeaud, avec lequel elle s’était mise sur le ton de la familiarité la plus grande, des mérites de son mari, de l’amour qu’elle lui portait. Et quoiqu’il sût que dans son plus intime intérieur, elle se riait de la crédulité qu’elle lui supposait, les bontés des grands ont une telle fascination qu’il en était séduit.

Tandis que le premier acte de cette comédie se jouait à Blaye, le second se préparait à la Haye.

Le goût de l’intrigue et celui de l’argent, si chers à tous deux, y avaient réuni en fort tendre liaison M. Ouvrard et