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Selon lui, la difficulté de cacher cette aventure à M. de Mesnard la préoccupait beaucoup ; et c’est pour cela qu’elle avait vu son départ avec tant de satisfaction. L’arrivée de M. de Brissac pourtant avait fort tempéré sa joie.

En apprenant l’intimité journellement croissante entre le commandant et sa prisonnière, M. Thiers conçut des inquiétudes et se décida à le faire changer. Il consulta M. Pasquier, devant moi, sur la convenance de le faire remplacer par un de nos amis communs, le général de Lascours, beau-frère du duc de Broglie.

Les cris que nous jetâmes l’un et l’autre avertirent M. Thiers des objections à faire à un pareil emploi, que lui regardait comme une faveur. Assurément M. de Lascours aurait refusé une si maussade commission.

Nous fûmes très étonnés de la savoir acceptée par le général Bugeaud, député assez influent, bon officier, homme d’honneur et d’esprit ; mais ayant l’épidémie suffisamment calleux pour ne point souffrir de tout ce que le métier, dont il se chargeait, présentait d’odieux.


Depuis quelque temps déjà les rapports du colonel Chousserie annonçaient la princesse très souffrante. Les lettres de Mme d’Hautefort et de M. de Brissac parlaient d’une toux opiniâtre et d’un grand amaigrissement. Elle ne se plaignait pas, mais ses forces diminuaient.

L’inquiétude gagna le cabinet. M. Pasquier ne négligea rien pour l’exploiter, d’autant plus qu’il la partageait.

Dans une nouvelle note remise au Roi, il rappela que la mère, l’archiduchesse Clémentine, était morte poitrinaire peu de temps après la naissance de Mme la duchesse de Berry. Il observa combien les fatigues d’une vie aventureuse qui avait dû exposer la princesse aux intempéries des saisons étaient propres à développer le germe de cette maladie héréditaire.

Il insista sur le fatal effet que produirait sa mort dans les murs de Blaye. Les contemporains établiraient, et la postérité croirait, que sa vie y aurait été sacrifiée.

Cette note donna lieu à une discussion en conseil, à la suite de laquelle deux médecins de Paris, les docteurs Orfila et Auvity, furent expédiés à Blaye.

Leur rapport officiel, inséré au Moniteur, se trouva satisfaisant sur l’état de la poitrine et les conditions sanitaires du séjour