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danger en se plaçant dans la meilleure et la plus généreuse attitude.

D’ailleurs, ajoutait M. Pasquier, si on ne profitait pas de ce moment, quand pourrait-on terminer une captivité qui serait toujours une source de peines et d’inquiétudes pour la famille royale ?

Ce ne pourrait être lorsque l’acquittement des autres accusés aurait donné une sorte de bill d’indemnité à Mme la duchesse de Berry, et nulle circonstance, favorable n’était à prévoir.

Cette note, lue au conseil, y trouva peu de faveur ; moins accoutumés aux scrupules de la magistrature, les ministres ne voulurent pas admettre la possibilité de voir les complices de la princesse, gens si évidemment, si palpablement coupables, innocentés.

Peut-être aussi la connaissance qu’avait M. Thiers de la répugnance de M. Pasquier à voir l’arrestation de Mme la duchesse de Berry, lui faisait-elle croire à une prévention personnelle, dans cette circonstance, et attacher moins d’importance à son opinion.

D’autant, qu’à l’occasion de pétitions, dont les unes demandaient que la princesse fût mise en jugement, les autres qu’elle fût rendue à la liberté, le ministre obtint des Chambres un vote approbatif des mesures qu’il avait adoptées.

Les assises de Montauban, où l’on devait juger les passagers et l’équipage du Carlo-Alberto, exigeant la comparution du comte de Mesnard, il dut quitter Blaye. Mme la duchesse de Berry ne témoigna aucun chagrin de son départ, mais elle fut vivement contrariée de le voir remplacer par le comte de Brissac, son chevalier d’honneur.

Celui-ci, très dévot, et rigide dans ses mœurs, n’était nullement agréable à sa princesse, qu’on n’avait pas consultée pour accepter la proposition faite par lui de remplacer M. de Mesnard, et elle le reçut encore plus mal que Mme d’Hautefort.

Toutes les préférences étaient alors pour M. Chousserie, colonel de gendarmerie. Il l’avait accompagnée de Nantes, où il avait aidé à sa capture, et commandait à Blaye. De longues conversations, d’éternels tête à-tête s’établissaient entre-eux, au point que les témoins en étaient étonnés et parfois scandalisés.

Le colonel Chousserie a raconté postérieurement qu’il était dans la confidence de son état et avait pris l’engagement de faire disparaître l’enfant sans qu’il en fût autrement question.