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recouvrer la liberté, soit pour établir des communications au dehors, se trouveraient immédiatement acquittées.

M. Thiers me vint raconter cette trouvaille, me témoignant assez d’humeur de ma persévérance à obtenir l’accomplissement d’une œuvre qui, je l’avoue, me semblait parfaitement insignifiante et dont le refus aurait fait crier à la persécution.

Je fus un peu déconcertée de l’aventure du livre. Heureusement, M. Thiers ne se souciait guère de se faire de nouvelles affaires et ne redoutait nullement les conspirations de ces dames ; il se calma et garda le silence sur sa découverte. Je ne pense pas que Mme de Chastellux en ait été instruite, du moins ne lui en ai-je jamais parlé.

Cependant l’ouverture des Chambres avait eu lieu, et mes prévisions de malheurs s’étaient justifiées ; on avait tiré sur le Roi. C’est le commencement d’une détestable série de tentatives d’assassinat. Bergeron, qui s’échappa, fut enfin arrêté, jugé et acquitté d’un crime, dont lui-même depuis s’est publiquement vanté.

Il professait les idées républicaines, mais la suite l’a montré trop vénal pour être à l’abri du genre de séduction que le parti carliste avait à sa disposition, et il était bien exaspéré dans ce moment.

Quoi qu’il en soit, dès la discussion de l’Adresse, M. Thiers avait dû défendre son prédécesseur, M. de Montalivet, contre l’opposition de gauche, pour la non-arrestation de Mme la duchesse de Berry ; et lui-même, contre l’opposition de droite, pour son incarcération.

M. Berryer, revenu de ses terreurs en voyant la longanimité si manifeste du gouvernement, fit une sortie violente sur ce que la liberté individuelle du citoyen français avait été violée en sa propre personne, sous le régime atroce de la mise en état de siège ; et eut l’audace de reprocher la détention arbitraire de Mme la duchesse de Berry, que le despotisme prétendait soustraire au jugement des tribunaux.

M. Thiers répondit victorieusement à tous les argumens et obtint une forte majorité.

Il ne serait pas impossible, au surplus, que, dans des intérêts de parti ou dans la pensée de s’illustrer par l’éloquence d’une défense, ne présentant à cette heure aucun danger pour lui, M. Berryer désirât sincèrement le scandale d’un procès. L’envie