Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/814

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

personnes chargées des affaires de ses enfans dont elle était tutrice.

Sans partager son opinion, je me chargeai du message. La réponse fut négative. Comme conseil judiciaire, sa présence à Blaye était inutile, puisque aucune procédure ne devait être dirigée contre la princesse ; et le gouvernement n’était pas assez niais pour le lui envoyer comme conseil politique. Il ne pouvait non plus, par les mêmes raisons, autoriser la correspondance libre et fréquente demandée par M. de Chateaubriand. Mais les lettres ouvertes, soit d’affaires, soit de famille, seraient religieusement remises entre ses mains.

Je ne saurais exprimer la fureur de M. de Chateaubriand lorsque je lui transmis cette réponse si facile à prévoir. J’en fus confondue et Mme Récamier consternée. Mais je dois dire qu’elle tomba principalement sur cette « misérable, » qui n’avait pas su se faire tuer pour léguer du moins un martyr à son parti ; et n’avait réussi, par toutes ses extravagances, qu’à en constater la faiblesse et à préparer des succès, couronnés de l’ostentation d’une fausse modération, à ses antagonistes.

Évidemment, la conduite adoptée envers Marie-Caroline déplaisait fort aux siens et cela m’y réconciliait un peu.

Nous la savions arrivée à Blaye, le 15 novembre, en assez bonne santé, malgré une traversée pénible, orageuse, dangereuse même, où elle montra son intrépidité accoutumée ; intrépidité qui lui valait partout l’admiration des militaires et acheva de gagner le cœur du colonel Chousserie.

Il l’avait accompagnée de Nantes et demeura son gardien à Blaye où il prit le commandement du fort, tandis que la Capricieuse et quelques autres petits bâtimens croisaient dans la rivière.

Les appartemens de Mme la duchesse de Berry étaient suffisamment vastes, convenablement meublés ; et, hormis la seule chose qu’elle eût voulue, la liberté, on s’empressait à satisfaire à ses souhaits.

Malgré la parole arrachée à la Reine, de ne plus se mêler en rien de son sort, elle s’occupait constamment de lui procurer les allégemens compatibles avec sa situation. M. Thiers eut ordre de faire trouver à Blaye des livres, de la musique, un piano ; ainsi que les atours et les recherches nécessaires à sa toilette et à ses habitudes connues de sa tante.