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que l’Etat avait déboursés pour sa transformation depuis près d’un demi-siècle. Lors de l’émancipation de 1861, 46 millions d’hectares appartenant aux nobles furent mis à la disposition des anciens serfs, auxquels fut imposée en même temps une redevance destinée à amortir les emprunts contractés par le Trésor pour indemniser les propriétaires expropriés. De plus, en 1887, l’État vendit aux paysans de son domaine, moyennant le paiement d’une semblable annuité, une centaine de millions d’hectares qui lui appartenaient en propre. En 1904, avant la guerre russo-japonaise, le Trésor encaissait ainsi 81 millions de roubles ; depuis 1907, il n’encaisse plus rien de ce chef, remise ayant été faite aux paysans de la totalité de ces redevances.

Il renonce donc annuellement à une somme de 81, ou plutôt de 66 millions de roubles par an, parce que, dans l’intervalle, le chapitre des « Contributions foncières et impôts personnels » qui avait été ramené, de 1875 à 1905, par des réductions progressives, de 122 millions à 45, vient d’être relevé d’environ 15 millions. Mais, sur les 66 millions dont il fait remise aux paysans, 30 seulement représentaient l’amortissement des terres achetées par l’État ; pour les autres, qu’il n’avait pas eu à payer puisqu’elles faisaient partie du domaine national, le cadeau qu’il fait aux cultivateurs de ce dont ils étaient encore redevables constitue pour le budget un sacrifice, mais non pas une perte pour le service de la dette.

Parallèlement à ces biens de la noblesse et de l’Etat, transférés par voie législative aux anciens serfs, la « Banque foncière des paysans » fut créée en 1882 pour faire profiter les cultivateurs du crédit de l’Etat en leur permettant d’acheter des terres mises en vente par des tiers et en leur prêtant de quoi améliorer celles qu’ils possèdent déjà. Dans le même ordre d’idées, la « Banque foncière de la noblesse, » fondée en 1886, a pour objet de fournir, sous forme de prêts hypothécaires, aux propriétaires de biens ruraux le capital d’exploitation nécessaire pour les mettre en valeur. Ces deux banques se procurent des fonds par l’émission de « lettres de gages, » analogues aux obligations de notre Crédit foncier de France. Le total des 1 225 millions de roubles, dont elles sont débitrices, ne doit figurer au budget que pour mémoire ; l’intérêt et l’amortissement de cette somme étant suffisamment assurés par les versemens annuels de leurs emprunteurs, dans ce pays où la terre a partout haussé