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Ces chemins de fer reviennent donc en moyenne à 90 900 roubles ou 250 000 francs le kilomètre. C’est beaucoup, semble-t-il, si on les compare, je ne dis pas au réseau américain, — 150 000 francs le kilomètre, — mais au prix moyen de 380 000 francs du réseau français, c’est-à-dire d’un pays où le terrain et la main-d’œuvre étaient d’un prix incomparablement supérieurs à ce qu’ils étaient en Russie ; sans compter que nos ingénieurs, pour réduire le degré des pentes et le rayon des courbes, ont multiplié les ouvrages d’art et ont ainsi constitué des lignes que l’on ne saurait mettre en parallèle avec les lignes russes. Pour que ces dernières soient revenues à 250 000 francs, il a fallu que les constructeurs aient un peu trop exploité la situation ; la preuve c’est que, dans le devis de lignes futures, le kilomètre est prévu pour 100 000 francs seulement, non compris le matériel roulant, par les adjudicataires qui ont soumissionné sur cette base. Peut-être était-il difficile d’empêcher les premiers promoteurs d’abuser un peu d’un pays où l’industrie indigène était embryonnaire, et qui n’avait alors ni charbonnages, ni métallurgie.

Les 3 milliards de roubles, prélevés sur l’emprunt pour les chemins de fer, coûtent à rémunérer et à amortir 129 millions de roubles par an à l’Etat. Et combien lui rapportent-ils ? On devine que leur « coefficient d’exploitation » varie fort d’une ligne à l’autre : sur le chemin de fer de Moscou à Nijni et à Koursk les dépenses ne dépassent pas 55 pour 100 des recettes. C’est le niveau le plus bas obtenu dans tout l’Empire ; tandis que de Saint-Pétersbourg à Varsovie et de Moscou à Brest les frais du trafic absorbent 79 et 81 pour 100 du rendement brut.

Le profit d’exploitation au reste n’est pas du tout la même chose que le revenu net des capitaux engagés dans la ligne. Il se peut qu’une ligne qui a coûté fort cher à construire, mais où, faute de voyageurs et de marchandises, on doit réduire au minimum le nombre des trains et l’effectif des agens, ne rapporte presque rien au capital tout en paraissant s’exploiter avec bénéfice : c’est le cas des lignes de Pern ou de Riga à Orel, dont l’établissement représente un débours, pour la première de 138 millions de roubles et, pour la seconde, de 182 millions. Leurs coefficiens d’exploitation de 61 et 63 pour 100 semblent avantageux et sont en tous cas inférieurs à la moyenne russe, qui atteint 67 pour 100 Mais, en regard des frais de