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celles-ci devaient payer la rente, soit qu’il eût construit et exploitât lui-même, comme pour les lignes de la frontière allemande à Pétersbourg et de Pétersbourg à Moscou et à la Mer-Noire.

Il est à noter que le capital global de ces emprunts réunis n’était pas primitivement de 5 milliards 200 millions, comme en 1886, mais de 6 milliards de roubles. Il avait donc été remboursé 800 millions — soit 13 pour 100 — de la dette initiale. La charge incombant alors à l’Etat pour l’intérêt et l’amortissement des sommes qui lui avaient été prêtées en espèces était lourde : environ 6 pour 100. Plus lourde encore, bien qu’impossible à chiffrer, était celle qui pesait sur lui du chef de son papier-monnaie, émis depuis 1848 pour un montant neuf fois supérieur à l’encaisse métallique. Cette sorte d’emprunt forcé, gratuit en apparence, puisque les billets de la Banque de Russie n’exigeaient point un débours d’intérêts comme les livres sterling, les florins ou les roubles, dépréciait le crédit national au dedans et au dehors. Au 1er janvier 1904, la Russie était depuis longtemps revenue au régime de la monnaie réelle, son encaisse or était supérieure à sa circulation fiduciaire et le service général de sa dette ne lui coûtait plus, amortissement compris, que 4,35 pour 100.

Dans l’intervalle, et jusqu’au 1er janvier dernier, c’est-à-dire depuis vingt-deux ans, le Trésor a procédé à des opérations d’une importance telle qu’elles n’ont pas de précédens dans l’histoire financière, puisqu’il se trouve, après avoir converti 4 milliards 380 millions de roubles d’emprunts antérieurs, avoir augmenté sa dette de 4 milliards 600 millions. Elle s’élève aujourd’hui à 9 milliards 800 millions de roubles — 26 milliards de francs — bien que la Russie eût, de 1886 à 1904, réalisé des économies, c’est-à-dire prélevé sur ses recettes ordinaires une somme de près d’un milliard pour l’appliquer à des dépenses extraordinaires.

On peut s’en convaincre par un travail minutieux de ventilation des budgets successifs, ayant pour effet de classer les entrées ou les sorties d’espèces, non point d’après des rubriques conventionnelles de trésorerie, comme les États ont trop souvent l’habitude de le faire, mais d’après leur véritable nature et leur véritable destination. Ce dépouillement critique des chiffres offre un intérêt de premier ordre, puisqu’un pays qui emprunterait pour la satisfaction de ses besoins ordinaires serait dans la