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entrées rapproché de celui des sorties, tel qu’il figure dans les comptes, doit nous fournir un chiffre dont la conformité avec l’excédent ou le déficit accusé est une première présomption de sincérité.

Mais supposons qu’au lieu de faire ce travail pour une année, on le fasse pour vingt ou trente, le contrôle sera beaucoup plus probant : car, pour dissimuler les dépenses ou pour grossir faussement les recettes, il aurait fallu que l’encaisse eût été, pendant ces vingt ou trente ans de suite, frauduleusement majorée par tous les contrôleurs qui se sont succédé et se seraient rendus complices de ce mensonge. Et non seulement les contrôleurs, mais un très grand nombre d’employés subalternes, parmi lesquels beaucoup ont quitté le service de l’État et certains ont attaqué l’administration dont ils avaient fait partie. Or, quelque critique qui lui ait été adressée, jamais personne n’a prétendu que les chiffres publiés ne correspondissent pas à la réalité.

Mais, dira-t-on, pourquoi l’État n’aurait-il pas deux caisses ? L’une ostensible, pour les mouvemens de fonds effectués au grand jour, l’autre secrète, alimentée par ses emprunts, pour payer des dépenses dont les budgets ne feraient pas mention ? De cette façon les déficits seraient masqués ou les excédens grossis sans que le contrôle permît de déceler cette pratique déloyale. Une dissection, également très simple, permet de s’assurer qu’il n’existe pas de caisse occulte : examinons par exemple les comptes russes de 1886 à 1906, comparons la dette en circulation à ces deux époques et calculons, au moyen des prospectus d’émission, la somme que l’État s’est procurée, durant cette période, par des emprunts émis soit à l’intérieur, soit à l’étranger. Il sera facile de voir si cette somme figure tout entière dans les écritures officielles.

La Russie a encaissé, du 1er janvier 1886 au 1er janvier 1906, 10 milliards 204 millions de roubles de fonds provenant d’emprunts ou autres recettes extraordinaires. Elle a durant la même période, déboursé 10 milliards 415 millions, en plus de ses ressources ordinaires, balancées par les besoins courans. Or cette différence de 211 millions, en laquelle se résument les budgets de vingt années, correspond exactement à la différence de son encaisse disponible aux deux dates et par là se trouve justifié l’emploi intégral des prêts qui lui ont été consentis. L’on objecte qu’un État pourrait avoir emprunté en banque, à l’insu du