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se plaît à décrire les premières et méconnaît les secondes. Il accuse notre armée d’inhumanité lorsque, surprenant l’ennemi en flagrant délit de formation, elle prend contre lui l’offensive. La Chambre ne pouvait pas s’arrêter à ce discours dont le gouvernement, dépêches officielles en main, n’a pas eu de peine à faire justice. Elle a accueilli tout autrement celui de M. Ribot qui a relevé une fois de plus les fautes commises, non pas pour en tirer des griefs contre le gouvernement, mais pour en empêcher autant que possible le retour ou l’aggravation. M. Ribot a indiqué la politique à suivre, politique d’abstention dans les affaires intérieures du Maroc et de neutralité sincère entre les partis ou les factions qui s’y disputent, à la condition toutefois qu’ils videront leur querelle ailleurs que dans la région des ports, où la France et l’Espagne ont des devoirs à remplir en vertu de l’Acte d’Algésiras. Parmi les fautes d’hier, M. Ribot a signalé l’imprudence avec laquelle on a fait ou laissé venir le Sultan à Rabat, et parmi celles qui restent à craindre pour demain, il a dénoncé l’imprudence plus grande encore qu’il y aurait à l’appeler dans le Chaouia : l’associer à nos succès militaires serait le compromettre définitivement avec nous et nous compromettre avec lui. La réponse de M. le ministre des Affaires étrangères est restée sur ce point un peu évasive, et nous le regrettons. Notre situation au Maroc se ressent du flottement qui existe dans la pensée gouvernementale. Lorsqu’on n’a pas une politique reposant sur des données très fermes, on est à la merci des moindres incidens, et on cherche ensuite dans ces incidens des explications et des excuses. Le langage de nos ministres nous a donné plus d’une fois cette impression depuis quelque temps : il n’a rien fait pour la dissiper dans ce dernier débat.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.