Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/722

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

perte du transport la Nice. A quel chiffre montent toutes ces dépenses ? Nous n’en savons rien ; nous ne le saurons que plus tard ; peut-être ne le saurons-nous jamais exactement. Il n’y a pas lieu de croire que dans les chiffres qu’il nous donne, M. Doumer reste au-dessous de la réalité. Sa préoccupation semble être, au contraire, de faire valoir nos sacrifices de toute nature parce qu’il en résulte, à ses yeux, pour nous des droits correspondans. L’argent que nous avons dépensé devient une créance de la France sur le Maroc : peut-être en avons-nous de meilleures sur d’autres pays. De plus, nous avons perdu 99 hommes, dont 9 officiers, et nous avons 311 blessés, dont 19 officiers. Qu’un tel effort nous donne des droits nouveaux qui viennent s’ajouter, comme le dit M. Doumer, aux droits antérieurs et permanens que notre pays tient de sa position géographique et de son histoire, nous en conviendrons volontiers avec lui. Mais nous avons une tendance à croire que ce que nous disons entre nous, Français, devient, par le fait même que nous l’avons dit, une vérité pour tous les autres, habitude qui nous a déjà causé quelques déceptions et qui pourrait bien nous en causer encore. C’est là de la politique toute verbale : la question est de savoir si, dans le cas actuel, elle correspond à la réalité.


Une discussion sur la politique générale vient d’avoir lieu au Reichstag allemand. Elle a été retardée quarante-huit heures par la grève des journalistes parlementaires, épisode piquant qui n’a eu jusqu’ici d’analogue dans aucun autre parlement. Les journalistes allemands, injuriés par un député au cours d’une séance, ont déclaré qu’ils ne reprendraient leurs fonctions qu’après avoir reçu des excuses. Il a fallu leur en faire, car un discours entendu par quelques centaines de personnes n’est rien s’il n’est pas reproduit par les journaux, et M. le prince de Bülow, non plus que M. de Schœn, n’étaient d’humeur à parler dans le désert. Enfin, tout s’est arrangé, et nous avons pu lire leurs discours, qui sont parfaitement corrects, quoique empreints d’une réserve assez sensible. En somme, ils peuvent se résumer dans ce passage de celui du chancelier de l’Empire : — « On ne saurait méconnaître que l’application des plus importantes décisions de l’Acte d’Algésiras a été gênée par les troubles qui se sont produits au Maroc, et particulièrement par le conflit survenu au sujet du trône. Le gouvernement français ne peut pas nous reprocher d’avoir méconnu ces circonstances et d’avoir interprété l’Acte d’Algésiras avec petitesse et étroitesse. Nous ne le ferons pas non plus à l’avenir ;