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sentir la pointe. La première était de savoir quand viendrait au Sénat la discussion du rachat de l’Ouest : le groupe désirait que ce fût avant Pâques. M. Clemenceau a répondu qu’il le désirait aussi, mais que le rapporteur de la Commission des finances du Sénat, M. Boudenoot, était malade, ce à quoi il ne pouvait rien. La seconde se rapportait aux retraites ouvrières. Là encore, il s’agissait de presser le Sénat ; mais ce n’est pas très facile au gouvernement, car il ignore lui-même à quel expédient final il s’arrêtera sur cette grave question. Les rapports du ministère et de la Commission du Sénat sont une véritable Odyssée, pleine des péripéties les plus étranges ; nous la raconterons un jour. Il n’y a pas urgence : le projet de loi n’est pas encore à point. M. Clemenceau a conseillé à M. Dubief d’aller en causer avec M. Viviani. La troisième question du groupe avait pour objet de savoir quand serait déposé le budget de 1909 : M. Clemenceau a répondu qu’il n’en savait rien, mais que M. Dubief pourrait peut-être en causer plus utilement avec M. Caillaux. M. Dubief a rapporté ces trois réponses au groupe, qui en a constaté le caractère négatif, ou évasif, et en a montré une vive irritation. Il l’a même traduite dans un ordre du jour menaçant pour le ministère, s’il n’exécute pas docilement certaines injonctions. Le malheur est qu’en séance publique, le groupe se débande et ne suit plus ses chefs, ce qui fait la partie belle à M. Clemenceau.

Il est à croire maintenant que le ministère atteindra les vacances de Pâques : on verra après. Tout le monde a des griefs contre M. Clemenceau. Les progressistes et les libéraux en ont autant que personne, car cette désorganisation et cette anarchie administratives qu’il dénonce si éloquemment à la tribune, M. le président du Conseil ne fait rien pour y mettre un terme. Frapper quelques fonctionnaires dont la révolte devient insolente est bien ; maintenir contre eux les peines qu’ils ont encourues est mieux ; mais cela ne suffit pas. On ne guérit pas un mal aussi profond et aussi invétéré par des topiques violens : il y faut tout un régime, et nous n’en voyons même pas les premières applications. Nos fonctionnaires devraient faire de l’administration ; ils font tous, on leur fait faire à tous de la politique, et quelle politique’. L’état intérieur du pays n’a pas sensiblement changé depuis M. Combes : les mêmes pratiques continuent de produire les mêmes effets. Nous croyons quelquefois à la bonne volonté de M. Clemenceau ; mais alors son impuissance est manifeste. A supposer qu’il donne les instructions qu’il devrait donner, il ne sait pas se faire obéir. Il a dans sa politique, comme dans ses paroles,