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personnages officiels observèrent la consigne donnée par l’Empereur : le respect le plus absolu à l’égard du Souverain Pontife. Le faubourg Saint-Germain témoigna d’abord une certaine réserve. La fraction royaliste déplorait la cérémonie du sacre. « Des jeunes gens colportaient une gravure du couronnement agrémentée d’un fruit qui avait la prétention d’être une pistache (Pie se tache). » Cependant la plus grande partie de l’aristocratie blâmait ces épigrammes et accourait à Saint-Thomas d’Aquin le jour où Pie VII visitait cette église. Dans les paroisses populaires, à Saint-Nicolas-des-Champs, à Saint-Merry, à Sainte-Marguerite, il y eut de grandes démonstrations de piété. Le Souverain Pontife s’attendait à trouver une ville d’athées ; aussi fut-il très surpris des dispositions si recueillies des Parisiens. Sa présence dans la capitale marque, — au dire de M. de Lanzac de Laborie, — « le début de cette dévotion au Pape qui devait aller en grandissant pendant tout le cours du XIXe siècle. » Les tribulations dont Pie VII souffrit plus tard causèrent une vive émotion et furent réprouvées par une notable partie de l’opinion.


II

Le cardinal de Belloy, atteint d’une congestion pulmonaire, succomba le 10 juin 1808, à l’âge de quatre-vingt-dix-huit ans. Le chapitre de Notre-Dame se réunit le jour même de la mort du prélat et confia l’administration provisoire du diocèse aux quatre vicaires généraux : Lejeas, d’Astros, Jalabert et Emery, et à un « vétéran du sacerdoce et du chapitre, » Syncholle d’Espinasse. L’Empereur ne signa la nomination du nouvel archevêque qu’à son retour d’Espagne, le 31 janvier 1809. Le Moniteur annonça le lendemain la nomination du cardinal Fesch. Archidiacre d’Ajaccio, vicaire épiscopal de l’évêque constitutionnel, Fesch avait jeté sa soutane aux orties pour s’enrichir dans les administrations, spéculant en Italie, acquérant des biens d’Eglise et brocantant des tableaux religieux. C’est ainsi qu’il devint propriétaire de terrains considérables en Corse, et possesseur à Paris d’un hôtel de fermiers généraux, sis à la Chaussée d’Antin[1]. Son passé n’était guère connu ni de la société, ni du

  1. Voyez Frédéric Masson, Napoléon et sa famille, t. II, p. 205 et suiv.