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après avoir drainé tout le massif afghan. Sa position et ses ressources en font une base d’opérations propice contre l’Inde et la côte de la mer d’Oman aussi bien que contre le Khorassan et l’Asie centrale. Figurant sur les projets d’invasion comme sur les plans de défense, le Séistan joue un rôle prépondérant dans la rivalité anglo-russe et chacune des deux influences hostiles prétendait arriver la première dans l’oasis convoité. Tandis que les Anglo-Indiens établissaient une route de caravanes à travers le Béloutchistan, posaient une ligne télégraphique, qui, par Kerman et Yezd, s’en allait rejoindre à Kachan le télégraphe indo-persan, enfin construisaient un chemin de fer, déjà terminé entre Quettah et Nouchki, les Russes mettaient la main sur l’administration des télégraphes persans, de Méchhed à Nosretabad, utilisaient contre le trafic indien les complaisances de la douane et du service sanitaire, et accentuaient jusqu’à l’oasis leur pénétration commerciale. L’importance stratégique de la route du Khorassan au Séistan qui, de flanc, menace l’Afghanistan, valait à ses plus minimes stations les honneurs de la bataille anglo-russe, qui faisait rage entre une poignée de consuls, officiers, médecins, cosaques et sowars.


VII

L’Angleterre et la Russie possèdent une longue habitude des arrangemens asiatiques. Pendant tout le cours du dernier siècle, sitôt que leur rivalité tendait à s’aigrir ou que surgissaient des incidens gros de conflits, les deux puissances prenaient contact en vue d’en comprimer l’éclat. Le premier accord anglo-russe, au sujet de la Perse, date de 1834 : il se manifesta par une déclaration relative à la succession au trône, avec l’engagement mutuel de respecter l’intégrité et l’indépendance du pays. Semblables déclarations furent réitérées à diverses reprises ; des notes s’échangèrent à ce propos. Quand, dans les premiers mois de 1906, les embarras financiers de la Perse et la mort prochaine de Mouzaffer-eddîn Schâh rapprochèrent à nouveau l’Angleterre et le Russie, le progrès de la pénétration commerciale et l’enchevêtrement des influences exigeaient des accords plus précis et plus complets. Forte de ses avantages, l’Angleterre désirait libérer sa diplomatie du soin de l’affaire persane ; absorbée par sa révolution intérieure, la Russie ne répugnait