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moyens possibles, enchevêtrant leurs avant-postes et leurs routes de pénétration. Les événemens de l’Afrique du Sud provoquèrent une avance russe ; la guerre russo-japonaise favorisa un retour offensif de l’Angleterre. Par la révolution persane, cette dernière dessina vers le Nord un vigoureux progrès et le consolida par le récent accord.

La longue frontière contiguë avec la Perse et la domination de la Caspienne servent de base à l’action russe. Stratégiquement, elle tient sous ses prises toutes les provinces septentrionales, qui sont les meilleures de l’Iran ; l’action anglaise se voit réduite à l’aborder par le Sud, à travers les déserts du Bélouchistan et les côtes désolées du golfe Persique. Le premier soin de la Russie fut d’assurer des voies éventuelles à sa pénétration militaire. Sous le couvert d’une société, organisée par un banquier juif de Moscou, M. Lazare Poliakoff, le gouvernement russe fit construire une chaussée de Recht à Kazvin et Téhéran, avec prolongement de Kazvin à Hamadan. Une autre va de l’Araxe à Tauris, munie de remblais et de tranchées, qui permettraient, le cas échéant, la pose rapide des rails et le raccordement avec le réseau de la Transcaucasie, déjà poussé jusqu’à la rivière. Une dernière route réunit Askabad dans la Transcaspienne à Méchhed, au Khorassan. Il va sans dire que ces trois chaussées, formant enclave en terre persane, sont entretenues et administrées par des agens russes. Un corps de Cosaques persans, instruit et commandé par des officiers russes, forme, à Téhéran, l’avant-garde de la pénétration militaire ; c’est une brigade de 2 000 cavaliers, répartis en quatre régimens. La troupe est d’excellente apparence, efficace et disciplinée ; elle fait à ses chefs le plus grand honneur. La pénétration financière commença en 1900. Deux emprunts successifs, d’un total de 32 millions et demi de roubles, furent négociés en Russie pour satisfaire les prodigalités de Mouzaffer-eddîn Schâh et la rapacité de ses domestiques. Le produit des douanes fut donné en garantie de ces emprunts, à l’exception des douanes du golfe Persique, déjà affectées au service d’un petit emprunt anglais de 500 000 £, contracté en 1892. La Perse dut s’engager à ne plus emprunter qu’en Russie et à ne point construire de chemins de fer avant 1910. Depuis lors, la dette persane s’est encore alourdie pur des avances à court terme, obtenues des banques anglaise et russe.