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deux grands Empires, paraît mieux protégé par la diplomatie que par la guerre. L’œuvre est si complexe qu’elle excède probablement les facultés des Persans de l’heure présente. Leur contact avec l’Europe est encore trop récent pour qu’ils aient pu s’en assimiler complètement la culture ; chez la plupart, les connaissances ne dépassent point les expressions du langage. Très peu ont fait de sérieuses études ; les mieux préparés paraissent être les jeunes diplomates, auxquels furent confiées, dans ces dernières années, les diverses légations ; aucun ne donne de plus belles espérances que Mochir-ol-Molk, appelé de Pétersbourg au ministère des Affaires étrangères. Autour du Conseil national, la jeunesse créa des comités de volontaires, pour étudier la législation européenne afférente à chaque matière ; ils ne dissimulèrent point, dès l’abord, que, pour l’élaboration des lois organiques, il leur faudrait recourir à des conseillers européens.

Si le Conseil national s’est montré plus apte aux vagues discussions de la politique qu’à la précision des réformes administratives, il n’en a pas moins fait beaucoup, par cela même qu’il existe, pour l’organisation de la liberté. Ceux qui redoutent le réveil de l’Orient moyen peuvent affirmer à leur aise que rien n’a été changé en Perse par les mots creux de la Constitution. Le personnel civil et religieux s’est, disent-ils, à peine modifié ; le gouvernement suit l’ancienne routine ; l’esprit nouveau n’a eu d’autre résultat que de rendre les troubles à la fois plus aigus et plus fréquens. Ce n’est exact qu’en apparence. En réalité, le Parlement, les andjoumans des provinces, les journaux qui se multiplient dans toutes les villes, ont créé une force populaire efficace pour tenir en échec les abus du pouvoir. Désormais, la pensée s’exprime librement et l’arbitraire hésite devant la publicité de ses actes. L’opinion a senti sa puissance et trouvé, pour s’exprimer, un organe plus certain que l’opportunisme du clergé. Elle ne peut encore imposer que des réformes partielles, mais elle possède déjà assez de vigueur pour empêcher les décisions nuisibles au bien de la nation. En novembre 1906, ce fut un mouvement populaire qui fit rejeter l’avance anglo-russe de 40 millions, dont les conditions draconiennes préparaient à bref délai le contrôle financier des deux puissances.

En même temps, la personnalité du Parlement cherchait à s’accentuer vis-à-vis du pouvoir royal. Le Conseil national avait eu des débuts difficiles ; la Constitution qui l’instituait pouvait