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Peu à peu, la vague révolutionnaire envahit les recoins les plus éloignés de la Perse. Après Ispahan et Chiraz, elle toucha Yezd et Kerman. Lentement, elle poursuit son œuvre, pour assurer, sur tous les points du pays, la mise en vigueur du nouveau système. Dans chaque ville, l’intensité de la crise dépend des circonstances locales ; plus le pouvoir établi se sait ancien et solide, plus longue est la résistance contre l’effort populaire ; la lutte renaît au moindre prétexte. Partout, les méthodes sont identiques et les troubles également légers.


V

Tandis que le Conseil national organisait ainsi, dans les provinces, l’expansion révolutionnaire, il vaquait, dans la capitale, à la besogne législative. Le 7 octobre 1907, il complétait les lois constitutionnelles par les lois fondamentales de l’Etat persan. Ces lois proclamaient les plus beaux principes : la garantie de la liberté individuelle, l’inviolabilité du domicile, la liberté de l’enseignement, de la presse, des associations, l’égalité devant la loi, la responsabilité ministérielle. Elles affirmaient la distinction des trois pouvoirs, de la justice civile et religieuse, prévoyaient la constitution d’une haute cour de justice, d’une cour des comptes et d’assemblées provinciales.

Si la constitution persane se trouvait ainsi complétée, la réforme administrative faisait de moindres progrès. En réalité, toute la Perse est à refaire : elle vit malaisément dans l’antique édifice élevé par les Sassanides, les Mongols et les Séfévis, édifice si lézardé que, n’était l’indolence iranienne, il se fût effondré au cours du dernier siècle. Il s’agit maintenant de rechercher dans les traditions héritées du passé, en les combinant avec les enseignemens de l’Europe, les élémens d’une administration, d’un système financier, d’une organisation scolaire et judiciaire. Avant toute autre chose, la Perse a besoin de finances en règle, dégageant les sources de l’impôt, afin de liquider au plus tôt les dettes menaçantes pour l’indépendance nationale, et de se procurer l’argent nécessaire à l’institution des réformes. Il lui faut des juges assurant une garantie aux libertés nouvelles, des maîtres pour élever les générations à venir. La reconstitution de l’armée est d’une utilité moins immédiate ; car la race n’est pas belliqueuse, et le pays, formant tampon entre