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déclaré, n’ayant point attendu le vœu populaire, pour introduire le nouveau régime. Pourtant, la plupart des villes feignaient encore d’ignorer la Constitution et s’abstenaient de procéder aux élections. Dans les centres où ils dominaient sans conteste, les grands moudjteheds et les gardiens de tombeaux saints répugnaient à répandre dans le peuple des idées insoupçonnées. Les chefs de tribus entendaient préserver leurs domaines. A Ispahan et à Kerman, les princes gouverneurs affectaient de favoriser la poussée libérale, en la comprimant indirectement par la menace d’un pouvoir trop fort. De même à Chiraz, sur qui pesait une famille puissante, maîtresse du Fars. Au Sud, l’influence anglaise se montrait involontairement réactionnaire, par crainte d’y voir tourner contre elle un mouvement libéral, qu’elle avait attisé dans le Nord, pour faire pièce aux Russes.

Le Parlement, une fois constitué, s’installa au palais de Béharistan, dont le jardin touche à la grande mosquée du Sépeh-Balar ; il siégeait dans un des salons, en saillie sur la façade du palais. Les députés, parmi lesquels un grand nombre d’ecclésiastiques, s’alignaient, accroupis le long des murs ; une table basse marquait la place du président ; sur un côté se pressait le public, retenu par une barrière. Le président, Sanî-ed-dowleh, élevé en Allemagne et élu par les négocians de Téhéran, appartenait à l’opinion modérée. Saad-ed-dowleh, qui fut ministre de Perse à. Bruxelles, puis titulaire d’un vague département ministériel, se trouvait en exil à Yezd ; les électeurs de la capitale allèrent l’y chercher. C’est un homme déjà vieux, très européanisé, parlant un excellent français, avec le masque et l’allure d’un tribun populaire. Il représentait, dans la nouvelle Chambre, les tendances radicales.

Les circonstances imposèrent au Parlement une triple besogne : assurer dans tout le pays l’expansion du système constitutionnel, de façon que l’Assemblée de Téhéran devînt, en réalité, la représentation nationale : compléter l’ensemble des lois constitutionnelles et aborder les réformes organiques ; enfin, accentuer la personnalité des élus du peuple au regard de la Couronne.

Le rôle joué par le clergé dans le mouvement libéral garantissait, pour le moment, les autocraties religieuses ; la révolution persane s’attaqua vigoureusement aux autres. En mars 1907, Ispahan, révolté, obtint le renvoi du prince Zill-é-Soltân ;